18 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 98 -

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -3-
L’individu est par essence toujours en mouvement.
Pour dépasser le handicap et l’angoisse que la simple pensée du risque encouru créait en moi j’ai du me faire violence ou plutôt j’ai prohibé ou mieux encore empêché l’accès de mon esprit, de mon raisonnement, à tout ce qui pouvait contrecarrer la remise en question du cheminement que je m’étais assigné. C’était de l’autocensure que je m’étais infligée. J’ai pour ainsi dire révoqué tout empêchement possible à même de me faire changer d’idée.
Dans les faits j’ai du faire un bilan exhaustif des 50 dernières années et évaluer par anticipation la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Donc, revoir le passé et envisager l’avenir. Deux démarches différentes qui ont, par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou encore mieux un espace qui les sépare et qui les relie. Comme si c’étaient les outils d’un relais …
Sur un autre registre et selon ma propre compréhension, partir d’un pays est un processus qui s’envisage naturellement parce que l’individu est par essence toujours en mouvement. Sur un tout autre plan et selon les spécialistes de la mobilité internationale des ressources humaines l’arrivée dans un autre pays débute au lieu du départ.
Il existe un autre aspect de la question de l’exil tant de fois défini, évoqué et analysé, c’est celui de l’appréciation du vécu jusqu’à une certaine échéance. Celle de la récapitulation des périodes qu’une personne franchit de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord de son expérience de vie, de son existence. A mon sens, et en ce qui me concerne, revoir et imaginer, à la fois des séquences de mon passé et certaines à venir, est à la fois troublant, déchirant, émouvant et impressionnant.
Le tout en raison des découvertes qui nous sont flanquées au visage comme une injure à notre raison alors que l’on pense tout savoir de soi. Par exemple je n’ai jamais pensé au cimetière de Batna, ma ville natale, où sont enterrés quelques dizaines des membres de ma famille : grands parents, grands oncles et tantes, cousins et cousines, neveux et nièces, etc. des amis et des voisins et bien d’autres relations. Y penser au moment d’un départ ce sont des pans entiers d’une grande histoire qui défile devant moi.
Je me rappelle que ce cimetière, comme peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances mais il est fait pour aller se recueillir sur leurs tombes les jours de fêtes, se les rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition qui persiste seulement pour les plus récents. Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je ne l’ai jamais compris mais c’était une pensée troublante qui a traversé mon esprit.
A suivre
Ferid Chikhi

11 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 97-

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -2-
La proximité en question se vit au quotidien …
Répondre aux deux précédentes questions c’est ouvrir la porte à des spéculations, à des hypothèses les unes vérifiables les autres le seraient en partie parce que le faire c’est aussi refuser le changement et ne pas se risquer à voir le monde autrement que par la lorgnette de ceux qui veulent imposer le leur, totalement rétrograde, alors que les paradigmes de la vie et de la société sont en perpétuels transformation.
J’ai entendu des proches me traiter de fou. Oui, n’est-ce pas dans notre cas et à notre âge, faire preuve d’inconscience et à la limite de folie ? Mais il y a des conditions et des facteurs qui varient de jour en jour et personne n’en a la maîtrise. Ce sont ces moments de vérité qui vous engagent à aller de l’avant.
Mes deux filles les ont vécus avant nous. Ma femme et moi même les avons guidées dans ce cheminement. Il importe de souligner que la proximité avec nos filles n’a rien à voir ni avec la religion ni avec la culture traditionnelle mais elle relève bien plus de l’amour filial héritage de l’éducation inculquée par nos mères et nos pères. J’ajouterais que ce n’est pas aussi par la formation acquise dans le système scolaire d'une éducation nationale ‘’sinistrée’’ comme l’a qualifiée le défunt Président algérien Mohamed Boudiaf. C'est bien par l’éducation familiale qui forme, qui trace les contours et dessine tant la forme que le fonds de cette relation et le devenir des générations futures. La proximité en question se vit au quotidien.
Je tiens également à souligner qu’en ce qui me concerne quitter un pays c’est aussi laisser derrière soi des habitudes et des usages difficilement renouvelables ailleurs. Ce sont des parfums singuliers qui n’habillent plus l’atmosphère et l’ambiance du milieu de vie. Il y a aussi des sons et des bruits que je n’entends plus, tel que le timbre du pilon qu’utilisent les femmes pour préparer des condiments, ces aromates et ces épices, destinés à donner du goût et des senteurs spécifiques à la chorba, ce potage de tomate, plein de blé dur concassé et parfumé de coriandre ou à un Tajine de pruneaux agrémenté de raisins secs.
Au-delà des handicaps communs qu’il fallait dépasser ; le plus important a été, en ce qui me concerne, l’âge. Choisir de quitter son pays à 50 ans n’est pas en soi une aventure, un simple voyage mais un changement radical dans la vision, la perception ou la compréhension de l’immigration et de la séparation. C’est comme couper une seconde fois le cordon ombilical. C’est aussi une autre compréhension du passé.
À suivre
Ferid Chikhi

6 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord -96-

Bâtir sur du neuf et Toujours partir du zéro -1-
Des motifs et des choix qui en découlent
Pourquoi avez-vous choisi le Canada et le Québec ? C’est l’une des questions les plus redondantes que posent 90% de ceux que je rencontre au quotidien, lorsque vient l'instant d’aller plus loin dans la relation avec l’autre et la compréhension des chemins de vie empruntés, quelques-uns en toute connaissance de cause, d’autres parce que c’étaient ou ce sont encore les seuls qui se présentent à nous.
Il est vrai que malgré le temps qui passe et repasse, les causes premières du changement sont indélébiles. Il existe des bribes de souvenirs qui se cachent dans la mémoire et qui n’en sortent qu’après un exercice de recherche d’indices qui interpellent ou d’indications qui vous offrent des explications claires et raisonnables.
Il arrive aussi que les facteurs déterminants et les moments de vérité se présentent tout d’un coup comme un package publicitaire. Ils s’étalent devant vous comme des flashs qui brillent et desquels votre attention ne peut être détournée. C’est ce que j’ai vécu alors que je me trouvais en Allemagne à la veille du 11/09/2001. Mon arrivée à Montréal s’est passée un jour d’octobre de la même année. Plusieurs idées d’expatriation avaient été discutées avec ma famille.
Le choix se situait entre retourner au pays ou au contraire tenter le saut d’un ailleurs plein de promesses et bien entendu plein d’incertitudes. Plusieurs options s’offraient à moi avec quelques villes en France - Montpellier, Angers, Paris - où des amis me proposaient leur soutien ; l’Allemagne où je me trouvais déjà, ou au final le grand saut vers l’Amérique du Nord, le Canada et le Québec en particulier.
Il est vrai que quitter un pays est, pour certains, un simple voyage d’un point à un autre mais pour d’autres c’est une aventure pleine de risques. Mais pour le commun des mortels et dans les faits c’est une immigration. Le plus dur à vivre c’est que les candidats à ce voyage laissent derrière eux un pays, une famille, des amis. Mais en ce qui me concerne je savais qu’en plus du pays et de la société je laissais derrière moi un mode de vie ne serait-ce que parce qu’il y a un changement dans l’occupation du temps, une proximité sociale par les visites faites aux plus âgés et aux proches, notamment durant les fêtes religieuses et culturelles. Peut être et aussi en raison de l'âge !? Je quittais aussi un confort matériel monté avec ma petite famille et pour elle, selon des besoins précis et lentement agencés. Je me dessaisissais d’un monde fait de valeurs et de principes de vie différents de ceux qui font converger tant d’immigrants vers cette terre d’accueil qu’est la Belle Province. Pour ceux qui n’ont en pas fait l’expérience, ils doivent savoir que quitter son pays, c’est pire qu’une simple séparation. Ça se déroule alors qu'on est impuissant face à cet acte qui en même temps nous confronte et nous questionne ... S’agit-il d’une fuite ou au contraire d’une avancée vers le futur ? N’est-ce pas un acte de lâcheté ou au contraire un acte de bravoure de se risquer à aller de l’avant ?
À suivre ...
Ferid Chikhi

26 févr. 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 95 -

Retour à Berlin … -2-
De Germania aux mondes obscurs

Le Numide, prend une profonde inspiration et poursuit par un ‘’en effet’’, visiter le monde souterrain de Berlin c’est faire un voyage dans le temps et dans le passé. C’est aussi imaginer ce que les civils Berlinois ont enduré lors des bombardements des alliés et l’avancée des troupes Russes, Américaines, etc. protégées par des chars et des half-tracks. Ce n’est pas pour rien qu’ils désignent l’accès à ce bunker par le vocable ‘’Gesundbrunnen’’ qui veut dire la porte de l’enfer. De nos jours il reste quelque chose de cet enfer -  obscurité - froid - humidité - exigüité. Selon le guide, Dietmar Arnold, qui nous a promenés dans les galeries, ce lieu est devenu, durant la guerre froide et même de nos jours, un abri anti-aérien entièrement conservé qui pourrait servir de refuge à 1300 personnes. Peux-tu me dire où cela se trouve exactement ? Certainement, il faut d’abord savoir que c’est dans  le quartier de Wedding. Durant la guerre froide c’était le quartier français. De nos jours il est l'un des plus pauvres de Berlin. C'est là oû se cotoient aussi bien des Allemands, des Turcs que des Moyens Orientaux. C’est pour ça qu’ils l’appellent la porte de l’enfer ? Arrêtes avec les amalgames. Ça n’a rien à voir. J’aimerais revenir à Dietmar Arnold. Cet allemand est un MONSIEUR qui est à la recherche de bunkers et de galeries dans le sous-sol berlinois. Il passe sont temps à interroger les témoins vivants et il est passionné par ces anciens lieux. Il veille à ce qu’ils ne tombent pas dans l'oubli. Qu’y a-t-il de si particulier dans ce lieu qui semble te passionner autant que ce guide ? À titre indicatif, une galerie de photos qui montrent qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale Berlin était un paysage de ruines. Des centaines d’immeubles détruits et, sur les 4,3 millions d´habitants d´avant-guerre environ 2 millions vivent encore dans la ville. Il faut aussi se rappeler qu’à la fin des années 1930, Hitler rêvait de bâtir un nouveau Berlin qu’il voulait nommer ‘’Germania’’. Que s’est-il passé par la suite ? D’abord il a rasé des quartiers entiers pour la construction de nouvelles routes et des monuments à la gloire du Reich et ensuite les bombardements de la fin de la guerre ont enterré ce projet. Mais quelques vestiges existent encore dans ces souterrains.
Ferid Chikhi

Un Numide en Amérique du Nord - 381 -

  Les intellectuels Algériens doivent sortir de l’ombre  La personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même,  car Le progrès moral...