4 avr. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 378

 Pour un Québec émancipé et indépendant !

La société des Québécois et les Sociétés d’immigrants !?

Depuis quelques mois, les discussions vont bon train pour un Québec indépendant. Elles sont par moment déconcertantes et parfois surprenantes. Pourtant, selon bien des observateurs, les auteurs de ces échanges, notamment parmi les indépendantistes tenaces et les communautés ethnoculturelles, rares sont ceux qui abordent le type d’institutions du futur Québec ; il n’est jamais question des personnes qui seront concernées par les textes législatifs ; d’aucun ne parle point de la question du syndrome Parizeau . Par ailleurs au sein du Parti Québécois il existe selon les publications accessibles au public deux co-porte-paroles issus de la diversité, alors une question de bon sens se pose : pourquoi deux et pas un ou trois ou encore un par communauté ? Et, pourquoi un porte-parole de la diversité ? Ci-après, une opinion succincte et des questionnements pour un Québec intégrateur et pluriethnique et un projet de société. Quelques pistes de réflexion aideraient à aborder les différentes questions.

Déconcertant et surprenant

Lorsque le 4 septembre 2012, La Première du Québec a été ciblée par un attentat politique terroriste au Métropolis, la tendance était à la banalisation du crime et à la censure de l’information afin que cela ne fasse pas tache d’huile et cela se passait au Canada, plus précisément au Québec. Ce silence imposé pourrait avoir encouragé l’auteur de la menace qui a visée Paul St Pierre Plamondon, élu à l’Assemblée nationale du Québec et chef du parti Québécois. Cependant, signe des temps, plus personne n’en parle!

Comme tout le monde, souvent interpelé par les attentats terroristes il m’arrive de réfléchir et d’analyser apostériori ces évènements. Je sais que des attentats arrivent tous les jours aux USA et ailleurs dans des pays ciblés par les manipulateurs de l’ombre, mais jamais en cette terre d’accueil de milliers d’immigrants constitués de résidents permanents, de réfugiés et de demandeurs d’asile ayant fui leurs pays d’origine traversés par des coups d’État, des guerres, les corruptions multiformes, etc... Quand je chemine le long de mes examens de conscience et que j’estime être en désaccord avec une personne donnée c’est dans un cadre de références bien structurées que nous mettons à plat nos divergences avec un objectif, celui de trouver des axes de convergences.

Durant mes réflexions j’imagine que la menace pour dissuader une personne de ne plus s’exprimer n’existe pas au Québec, un pays démocratique avec un État de droit et les libertés consacrées, malgré quelques insuffisances, par la charte des droits et des libertés... Il est vrai que parmi nous il en existe qui savent qu’une charte des droits et des libertés avec une constitution qui n’a pas été signée par les élus du peuple Québécois n’est pas en adéquation avec les aspirations du peuple, même si elle reste la loi. 

Parfois, je me demande ce que vaudraient cette charte et les autres textes de lois que le Fédéral peut remettre en question par ses juges et des textes d’applications qui changent au gré du temps et des gouvernements successifs depuis les années ‘’80’’, si cela se passait dans notre pays devenu indépendant ?

Quelles institutions voudrions-nous avoir ?

Et si, le citoyen Québécois, convient de son avenir en optant pour un Québec indépendant ? Le droit lui appartiendrait aussi d’opter pour une fédération comme les autres pays d’Amérique du Nord ou pour une République pour se différencier des deux autres voisins continentaux. 

Dans sa plateforme de projet national le Parti Québécois évoque une seule fois l’option républicaine. Il n’est nulle part question du projet de société qui la sous-tend. Il n’y a aucune mention du découpage territorial et de l’organisation institutionnelle d’un Québec indépendant. À mon avis ce projet ne saurait être le point d’initiation d’un projet de société qui convient aux ambitions des Québécois et à celles de ses communautés aussi diversifiées qu’elles le sont en ce moment. Il y a certes les grandes lignes de ce qui sera fait en matière de langue, d’éducation, d’écologie, etc. … mais les grands axes d’un vrai projet de société sont absents comme le sont les textes fondateurs du Québec indépendant. Je tiens à souligner que les autres organisations qui se qualifient d’indépendantistes ne font pas mieux.

Qui sont concernés par ces textes

En ce qui concerne la future citoyenneté, dont personne ne parle, malgré une entité en charge au Parti Québécois, tous les textes conçus et publiés n’évoquent que très peu les immigrants. Parfois, il est question de ceux qui sont au Québec depuis plusieurs décennies mais ce sont surtout ceux venus d’Europe dont il est question. Presque jamais ceux qui viennent d’Afrique, d‘Asie, des Caraïbes, du Moyen Orient ou d’Afrique du Nord. Les textes et la documentation politiques s’adressent tous aux Québécois de souche…

Le Syndrome Parizeau 

De ma culture d’origine, j’ai appris à ne jamais évoquer ceux qui sont partis. Mais leurs idées, bonnes ou mauvaises, leurs pensées, leur appartenance et leur posture politique peuvent faire l’objet d’avis, de commentaires, de discussions et des éclaircissements afin d’éviter les interprétations souvent tendancieuses. 

À titre indicatif, j’ai vu, par exemple, le Bloc Québécois (je sais ce n’est pas le PQ) réunir des nouveaux arrivants de quelques communautés ethniques, j’ai applaudi. Toutefois, parmi ces personnes présentes quelques-unes m’ont dit, explicitement : c’est toujours la même chose, ils réunissent quelques personnes. Ça dure quelques minutes et ils en font une tartine… ce sont des images qui frappent mais elles sont vites oubliées. 

C’est là, que le fameux énoncé de Parizeau intervient. Il a dit vrai en ciblant ‘’… des communautés …’’. Or, les communautés en 1995 ne sont pas celles de 2020 ; à cette époque, elles étaient presque toutes d’origine européenne et venaient parfois des États-Unis, exception faite des boat people Vietnamiens ou ceux venus du Chili. mais dans l'esprit de tous ce sont toutes les communautés d’immigrants y compris celles arrivées depuis les années ‘’00’’ qui étaient concernées et les adversaires jouent sur la nuance.  C'est pour cela que je parle du Syndrome Parizeau. Aujourd'hui presque tous les immigrants pensent que le PQ ne veut pas d’eux, entre autres à cause de cette tirade et la manière dont elle avait été traitée  par les adversaires et certains influenceurs, y compris au sein du PQ. À cela vient s’ajouter la période des accommodements raisonnables qui a mis de l’avant les partisans et a cacher les pourfendeurs de l’ombre. Alors, je me suis demandé, depuis sa désignation à la chefferie du Parti Québécois, Paul Saint Pierre Plamondon, a-t-il une seule fois accueilli des nouveaux arrivants ? A-t-il une seule fois réuni des immigrants, même choisis pour échanger avec eux ?

Dans les faits, si hier le Parti Québécois s’est concerté avec quelques communautés, l’a-t-il fait depuis la dernière décennie ? De nos jours il y a quelques groupes avec lesquels des membres s’affichent mais ce n'est pas généralisé et mis à part quelques personnes qui apparaissent plus comme des ''alibis'', elles sont ainsi perçues de l'extérieur de l’organisation alors que la diversité est représentée par deux Co-porte-paroles très loin des autres.

Et pourquoi deux porte-paroles issus de la diversité au PQ ?

Comme au Parti Québécois (il existe les Québécois et les autres, les immigrants), il existe aussi pour la diversité deux Co-porte-paroles. A Montréal, je croise tous les jours le chemin de deux sociétés éloignées l’une de l’autre : La société Québécoise et la Société des immigrants. En raison du multiculturalisme qui non seulement ostracise ces derniers mais les éloigne de la société d’accueil et sépare les communautés les unes des autres. Le pire c’est lorsque des bien-pensants, individus et partisans, évoquent l’inclusion, ignorant que l’étymologie du concept est latine - inclusio (enfermement) - s’agissant de compromission, d’emprisonnement, de réclusion … et le pire, c’est que tous ceux qui s’occupent de la diversité sont des immigrants, à qui aucune chance n’est donnée pour s’impliquer autrement.

Pour un Québec intégrateur et pluriethnique :

Pour ma part, c’est dans la perspective d’une intégration intensive que :

J’applaudirais si une Déclaration ayant pour Objectifs l’Indépendance du Québec et pour disposition la concrétisation d’une République Sociale-Démocrate venait à être conçue et vulgarisée;

 J’applaudirais le jour où je verrai un Projet de Société regroupant tous les grands agrégats d’un rassemblement des Québécois de quelques origines que ce soit;

J’applaudirais le jour où je verrai une véritable définition de ce que sera le citoyen Québécois dans une république Québécoise.

J’applaudirais le jour où je verrai la mise en œuvre d’un Plan de Communication s’adressant à toute la population (comprenant celle qui est d’une autre obédience politique, etc…).

Projet de société du Québec 

En fait la question à laquelle nous revenons systématiquement est la suivante : Veut-on faire du Québec une fédération ou veut-on en faire une république ? Une république de citoyens qui parle plus aux immigrants ou une fédération de sujets qui les laissera de pierre. Pourquoi une république et pas une fédération ? Parce que pour motiver, sensibiliser et mobiliser les immigrants à faire partie du projet de société à venir, les concepts politiques doivent leur parler. Les mots ont leur importance disent les anthropologues, les linguistes, les sociologues, etc… Alors, tant que le parti Québécois, tant que ses membres, tant que les indépendantistes n’ajustent pas leur langage pour parler aux immigrants … j’imagine l’éloignement de ces derniers du projet indépendantiste.

Le Québec que j'ai en tête

En fait, un Québec moderne devrait être édifier autour de quelques paramètres qui ne sauraient occulter les suivants : ainsi le Québec que j’ai en tête

1. C’est celui des héritiers des révolutionnaires tranquilles qui ont tracé le chemin vers l’indépendance, malgré une adversité significative et persistante depuis plus d’un demi-siècle;

2. C’est celui des agriculteurs qui produisent de quoi alimenter non seulement les Québécois mais aussi une partie de l'Amérique du Nord;

3.C’est celui des bâtisseurs qui ont édifié l’industrie et le commerce du Québec moderne;

4. C’est celui des chercheurs des universités et des intellectuels qui accompagnent le citoyen dans sa quête d’un bien être toujours renouvelé; 

5. C’est celui des femmes qui ont rejoint le monde du travail et qui ont transformé une société religieuse en une autre moderne, de développement et de progrès...!

6.C’est celui de ces enfants de deuxième, troisième, quatrième générations et leurs héritiers intégrés à une société ouverte pour faire une place à tous.

Le Parti Québécois doit sortir de sa bulle

Mon questionnement vient de ce que j'entends et vois sur le terrain avec les communautés ethniques et je n'en reviens pas de l'éloignement du Parti Québécois de ces ‘’sociétés immigrantes’’. Je dis bien sociétés immigrantes parce qu’elles sont coupées de la société d'accueil. À mon avis le Parti Québécois pourrait créer l'évènement à condition qu'il se départisse du syndrome de Jacques Parizeau, qu’il sorte de sa bulle et qu'il initie une véritable politique d'intégration des immigrants. Il doit changer la donne pour que les immigrants se rapprochent de lui et éviter que même s'ils sont indépendantistes dans l'âme beaucoup d’entre eux se soient éloignés de lui.

Ferid Racim Chikhi


9 mars 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols

village Kabylie
Un village de Kabylie. D. R.

Par Ferid Racim Chikhi – Le 27 janvier dernier, Mahfoudh Messaoudene a présenté son ouvrage Le Revenant, un roman qui, dès les premières pages, vous tient en haleine. La quarantaine de personnes présentes ont bien communié avec l’auteur mais il faut reconnaître que la salle était trop exiguë pour une telle présentation. L’animation de la rencontre s’est déroulée sous la direction du philosophe Ali Kaidi.

Yidhir, à la quête de son héritage et de son foyer…

Le Revenant, c’est l’histoire d’Yidhir, un homme ayant vécu en Kabylie au XVIe siècle et qui s’en est allé faire la guerre pour le compte des Ottomans contre les Espagnols afin de libérer Bougie. Il vient de Tighilt, un village de montagne comme on en trouve en Kabylie.

C’est une histoire imaginée se déroulant à une époque bien réelle avec des périodes se situant au milieu du XVIe siècle et mettant aux prises les Turcs, les Espagnols et les Algériens (Kabyles, Algérois, etc.).

C’est une introspection d’une partie de la société kabyle, encadrée par des coutumes, des références aux anciens, des traditions et, par conséquent, souvent ancestrales mais fortement imprégnées de nouveautés religieuses (des dogmes, des règles associés aux usages et aux rituels …) vite dépassées parce que des situations nouvelles surviennent avec le temps et les changements que connaît le monde et que la Kabylie ne peut éviter.

Ce qui est prenant dans ce roman, ce sont les dépassements des uns et des autres, soit en raison de traditions codifiant la vie de tous les jours, soit parce que le patriarcat est prégnant. Le cas de l’héritage qui a été résolu dans bien des situations par l’indivision pour ne pas déshériter la femme fait que dans d’autres conjonctures et d’autres lieux, une coutume qui s’impose au détriment du bien-être et sans tenir compte de l’apport de l’homme et de la femme à un moment ou à un autre de leur vie a des répercussions qui vont au-delà des sentiments. En tout état de cause, l’avis de la femme, sa place dans la société kabyle sont souvent ignorés parce que les habitudes et les pratiques coutumières, celles de la famille ou celles du village sont plus fortes, ce qui donne encore plus de poids au respect de la cohésion sociétale. Mais la femme kabyle reste un pilier de la société dans son ensemble et le fondement gardien des valeurs pour les générations futures.

Le profil comportemental du Kabyle et consensus sociétal

Dans ce roman, Mahfoudh Messaoudene fait le portrait du Kabyle, en surlignant ses défauts et ses qualités, ses caractéristiques et ses valeurs dessinées par la communauté et le patriarcat. Dans cette grande communauté comme bien d’autres ailleurs en Algérie, la majorité n’est pas la référence. Ce qui est la référence, c’est le consensus. Il en est de même pour les valeurs, le respect, notamment, des conventions prime, qu’elles soient traditionnelles ou coutumières ; c’est aussi, comme ailleurs en Algérie, le respect de l’aîné et des autres patriarches au sein de la famille, envers les aînés et, bien entendu, celui qui est dû à la femme mais dans un cadre de références bien ficelé. Deux autres valeurs encadrent les faits du jour, celle du partage et de la solidarité au sein de la famille de la communauté du village et de l’environnement en général, toujours sous le leadership des patriarches

Chacun fait preuve d’engagement envers les siens, les proches, le voisinage… même lorsque la personne ne va pas dans le sens des conventions. Son avis est respecté, on ne dit pas de mal de lui et on le laisse faire mais, de l’autre côté, la recherche du consensus est essentielle pour le laisser ou, au contraire, le rejeter.

Parmi les qualités citées par l’auteur, on rencontre le courage, la détermination, l’engagement, la fierté, la passion, la résistance et, surtout, la solidarité. En communauté, nous dit Mahfoudh, le Kabyle est égocentrique, tout est en lui.

Le sens de l’observation chez le Kabyle

Il en fait de même avec ce monde qui entoure les protagonistes du «revenant». Avec pertinence et sans détours, il nous brosse les péripéties de Yidhir et, avec un sens de l’observation vitale, il attire notre attention sur une Espagne où la religion catholique vit ses moments de grande inquisition, faisant du XVIe siècle une époque où la bestialité religieuse chrétienne est innommable, où l’individu, s’il ne se plie pas aux nouvelles mœurs, est méprisé et mis à mort. C’est aussi une époque où revient la foi en s’imprégnant d’amour et de compassion (voir la partie portant sur l’échange des prisonniers).

Ainsi, la grande communauté kabyle est un ensemble de regroupement de personnes unies par les liens du sang et l’environnement où elle s’installe ; elle est décrite avec des mots simples que le commun des mortels peut comprendre mais qui attachera encore plus le lecteur de ce roman pour le terminer d’une traite.

L’apparition de l’islam en Kabylie

Malgré une recherche documentaire très serrée, Mahfoudh Messaoudene, peut-être sans le vouloir, puise dans l’oralité traditionnelle et c’est – ce n’est qu’une hypothèse – pour cela que son roman laisse parfois des zones d’ombre sur des faits d’histoire, des épisodes descriptifs fort intéressants à plusieurs endroits. Par exemple, selon des érudits des Chorafa et des marabouts, l’islam avait, malgré une forte résistance des Kabyles des plaines, pénétré la haute Kabylie par les dou’âa des marabouts et des Soufis de la confrérie Errahamania et ceux venus du Rio de Oro, cela a fortement influencé l’islamisation de la région sans effusion de sang et en octroyant le maintien de ce que la Kahina avait demandé à ses enfants avant sa mise à mort : «Préserver l’identité et la culture de la nation», tout un programme idéologique.

L’islam, à cette période, était fortement influencé par les marabouts ainsi que par les zaouïas. Toutefois, cette influence n’est pas perceptible dans ce roman alors que des tribus entières occupaient l’espace montagneux du Djurdjura. C’est le cas des Aït Betroun, constitués des Aït Yenni, des Aït Ouacif, des Aït Boudrar, des Aït Bou Akkach et des Aït Menguellet, constitués des Aït Menguellet proprement dits, des Akbil, des Aït Attaf, des Aït Bou Youcef, des Aït Messaoud. Ces tribus ont toujours eu une grande influence sur les autres tribus de la région. Il y avait d’autres familles plus puissantes que les At El Kadi mais elles sont à peine effleurées (les Ath Abbes, les Ath Frawcen, les Ath Menguelat…).

Enfin, il faut souligner le fait que, mis à part quelques remarques qui pourraient paraître inappropriées et au-delà de quelques imperfections, c’est un ouvrage à la fois anthropologique, historique, psychologique et sociologique, à lire et à faire lire. 

F. R. C.

Mahfoudh Messaoudene est ingénieur en génie civil, installé au Québec depuis 2003.

Le Revenant, de Mahfoudh Messaoudene, éd. : L’Harmattan 2023 – Lettres Berbères

https://www.algeriepatriotique.com/2024/03/06/le-revenant-la-societe-kabyle-du-temps-des-ottomans-et-des-espagnols/#comments


10 févr. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 376 -

 Histoire et mémoire : sortir de l’émotionnel pour aller vers le raisonnable

L’Algérien est-il condamné à apprendre son histoire seulement au travers de ce qu’écrivent les érudits des pays ennemis d’hier et adversaires d’aujourd’hui, alors que les règles et les normes de l’oralité, qu’il connaît depuis des millénaires, ont complètement été modifiées et réorganisées pour satisfaire les contrefacteurs du moment ? L’écriture de l’histoire est un acte patriotique qui se suffit à lui-même. Malheureusement, beaucoup d’historiens se sont érigés en experts.

Depuis quelques années, l’on assiste, incrédules et embarrassés, à des tentatives d’écriture de l’histoire de l’Algérie sans que l’avis de l’Algérien ne soit entendu et encore moins pris en considération. Même si quelques rencontres ont été organisées pour en parler, des séminaires ont été aménagés par suite de commandes décrétées et ordonnées, le tout s’est soldé par des dommages plus que par des avantages. Ce qui est singulier, c’est que l’écriture de cette histoire ne semble concerner que celle de la Révolution de Novembre 1954, et tout au plus quelques péripéties du Mouvement national, qui vont dans le sens des tendances d’une caste, donc sans aucun lien ni intérêt pour les périodes qui les ont précédées. Alors, demandons-nous, en quoi cela peut être utile ? Est-ce cohérent, pertinent, raisonnable ?

Pourquoi vouloir écrire et enregistrer des événements, des épisodes, des faits d’une période donnée tout en ignorant ceux du passé ? L’acte de résistance de l’Algérien face aux conquérants, aux envahisseurs et autres infiltrés date de la nuit des temps. C’est dire que si l’on sort un tant soit peu de l’émotionnel et que l’on fasse appel à la raison, les données et leur analyse seront certainement plus appréciables.

Sortir de l’émotionnel, c’est enregistrer les témoignages des acteurs ayant vécu de près ou de loin les différents actes, événements et épisodes d’un moment dont plusieurs parleront de leur vivant. C’est noter la mémoire vive pour en faire un libellé utile pour les générations futures. C’est aussi le premier niveau du raisonnement qui aide à séparer le bon grain de l’ivraie. Aux historiens de distinguer entre la mémoire perceptive, l’épisodique, la procédurale et la sémantique. Il reste que le travail de consignation des historiens ne suffit pas. Il faut y ajouter celui des sociologues, des philosophes, etc.

Les idéologies fallacieuses

L’intérêt de cette écriture est bien entendu et avant tout idéologique. Parce que parler et enregistrer les recherches sur tout ou partie de l’histoire millénaire, c’est remettre en question un discours ambiant fort dérangeant pour bien des personnes qui naviguent à vue et qui refusent de lever le couvercle du puits du savoir et de la connaissance. Elles sont convaincues que l’ignorance du peuple addict à la religiosité et au football est un facteur de cohésion. Or, elles ignorent qu’avec ou sans elles, l’histoire s’écrit d’elle-même, comme s’est écrite celles d’Athènes, de Bagdad, de Cordoue, de Damas, de Rome et de bien d’autres lieux prestigieux qui ont marqué les temps et les esprits.

Ce qui est grave, c’est que lorsque des dirigeants algériens se laissent assiéger par les codes, les conventions, les normes, les règles, les théories, et bien des usages des ennemis et autres adversaires qui ne veulent pas que l’histoire de l’Algérie soit écrite par des Algériens, ils convoquent des comités et des commissions pour faire oublier le vrai problème, celui de laisser les experts effectuer leur travail.

La méthodologie de l’ancien occupant ne convient pas

En fait, lorsqu’il est question de l’histoire, l’Occident a formé ses historiens, ses journalistes, ses sociologues, ses anthropologues et l’ensemble de ses érudits à écrire les témoignages de ceux qui ont vécu des événements, à les retranscrire et à en faire des ouvrages ou de nos jours des vidéos qui profitent à ses cultures, ses identités, ses civilisations et surtout à leurs citoyens, pour se souvenir et ne jamais oublier.

Ainsi sont officialisés par écrit des actions, des aventures, de entreprises, des événements, des faits, des incidents, des péripéties qui serviront de références aux analyses et aux commentaires des anthropologues, des historiens, des journalistes, des sociologues, pour d’autres écrits qui font par la suite l’histoire selon leurs auteurs.

Ce sont les Allemands, les Belges, les Britanniques, les Etatsuniens, les Français, les Grecs, les Italiens, les Turcs. Les Russes, etc., qui ont écrit et qui écrivent les histoires de leur pays. Pourquoi faut-il que l’histoire de l’Algérie soit écrite à deux mains : celle de l’ancien colonisateur indu occupant et celle de l’Algérien qui a libéré sa patrie ?

L’histoire et la mémoire de l’Algérie sont la propriété intellectuelle et patrimoniale des seuls Algériens, qu’ils partagent ou non avec ceux qu’ le veulent. Mais les vraies questions qui devraient nous interpeller sont l’authenticité et l’utilisation de l’instrument et le véhicule qui transmettront aux futures générations cette écriture par de vrais patriotes.

Parmi ces questions, demandons-nous :

1) Quelle sera la langue d’usage et de transmission ? Sera-t-elle la langue arabe ou celle d’un autre occupant ? Sera-t-elle cette langue mal enseignée et mal maîtrisée ? Sera-t-elle celle du dernier occupant qui pourtant a perduré un peu plus d’un demi-siècle après l’indépendance mais qui reste pour le moment la langue la plus fonctionnelle ?

2) Pourrait-on se défaire de la religiosité ambiante pour être critique et raisonnable sans que les émotions ne prennent le dessus ?

3) La recherche des informations fera-t-elle l’objet d’une méthodologie et d’une épistémologie spécifique ou sera-t-elle expérimentale ?

4) Ceux qui, dans les centres d’archives et de documentation, ainsi que ceux qui sont dans les universités prennent part à ce travail colossal sont-ils sincères ou se réfèrent-ils aux seuls écrits des indus occupants ou, au contraire, iront-ils chercher l’information sur le terrain ?

5) Quel sera le profil des membres des comités de rédaction et de synthèse ? Ces comités seront-ils indépendants ou «rattachés» à quelque instance ?

Les questions d’authentification exigent que les personnes en charge de cette histoire et de cette mémoire respirent impérativement l’honnêteté, l’intégrité, le patriotisme et soient absolument loin des cercles dominants.Bien entendu, d’autres critères devront être définis pour que cette œuvre soit une véritable révolution pour le pays et qu’à travers sa lecture, la future société algérienne soit édifiée dans la transparence universelle.

Ferid Racim Chikhi

2 janv. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 375

Transformations internationales : 

effets en fonction de la posture de l’Algérie


Le Président Tebboune et l'Ambassadrice US a Alger

Cette contribution déroule sous forme de synthèse des éléments que je qualifie de sensibles par leurs interrelations et que rencontre l’Algérie en ce début de 2024. Une nouvelle année qui présente des caractéristiques en lien avec les changements majeurs que vit le monde. Les effets des transformations internationales sur le plan notamment géopolitique pourraient avoir des répercussions positives en fonction de la posture de l’Algérie au double plan interne et externe.

Le propos ne se veut en aucune manière une médisance. Il se veut plus l’expression d’une opinion ou encore du fossé qui existe entre les décisions et les apports de l’institution présidentielle et gouvernementale, la lenteur de leur mise en pratique, peut-être en raison du manque d’un échéancier et d’un système d’évaluation des opérateurs.

Nul ne saurait occulter que le monde est actuellement dominé par le génocide que commet l’entité sioniste et ses protecteurs anglo-saxons et euro-étasuniens contre les Palestiniens, et même les pays qui ont vécu ou vivent encore la guerre sont effacés des supports médiatiques les plus en vue dans le monde occidental pour mettre en évidence les actions sauvages d’Israël contre des civils innocents. Pour sa part, l’Algérie, égale à elle-même, poursuit son soutien aux peuples opprimés et regarde l’avenir avec confiance. Du moins, c’est ce qui ressort du premier discours sur l’état de la nation, prononcé récemment par le président de la République, devant les deux chambres parlementaires réunies pour la circonstance.

Un premier discours sur l’état de la nation

Depuis le début du post-Hirak – élection du président de la République –, il est question de réformes dans presque tous les domaines d’activité. Mais l’Algérien lambda les ressent-t-il dans son quotidien ? Cinq années d’exercice. Pourtant, l’appréciation est pour beaucoup mitigée. Pour la grande majorité de la population, les effets de ces réformes sont lents à voir le jour et les dérives culturelles, économiques, idéologiques, sociales, etc., sont latentes en raison essentiellement d’un manque flagrant de compétences ou, pour le moins, d’un déficit d’expérience chez les agents de l’Etat en charge de les mettre en pratique. Sur un plan plus large, le changement de stratégie et de l’équipe en place avec un chef du gouvernement, certes aguerri aux affaires diplomatiques mais pas encore pour les affaires internes, exigent une feuille de route avec des objectifs clairement définis et une marge de manœuvre qui lui permettrait d’atteindre les cibles de façon appropriée.

Le président de la République a prononcé un premier discours sur l’état de la nation. Les deux chambres parlementaires ont apprécié cette nouvelle forme de reddition des comptes, même si, par ailleurs, il est évidemment clair que les réalisations présentées ne font pas l’unanimité et que le pays stagne dans la pensée unique.

Bien entendu, faute d’une véritable liberté de traitement de l’information, les opposants, et ils sont nombreux, frétillent sur les réseaux sociaux. Ils s’en donnent à cœur joie pour exprimer ce qu’ils en pensent. Leurs persiflages, leurs attaques violentes et à la limite de la correction n’apportent rien de nouveau, tant ils sont sans arguments. Ils sont assenés par quelques commettants qui se cachent parmi une élite absente (au pays et) du pays et présente des signes d’aliénation visibles pour ne pas dire semble avoir perdu son âme. Ils se sont autoproclamés opposants au pouvoir en place. Leur cible privilégiée est bien entendu l’institution présidentielle et pour cause, ils considèrent que ce ne sont pas les 39,88% des électeurs qui se sont exprimés contre 60% qui se sont abstenus, qui la rendent légitime.

Cependant, que l’on soit d’accord ou pas, pour un pays qui s’est libéré du césarisme des précédents dirigeants, plusieurs problématiques agissent comme des petits cailloux dans la chaussure de l’Institution présidentielle. A titre indicatif, l’on peut citer sur le plan interne celui des détenus d’opinion et des subversifs, celui de la bureaucratie toujours prégnante ou encore le manque de civisme de la population qui restent parmi tant d’autres les plus visibles et montrent à l’évidence que le rattrapage, qu’il soit culturel, économique, politique ou social, s’avère difficile.

Un déficit en compétences satisfaisantes

Même s’il existe bien d‘autres impératifs, il est clair que pour chacun, on sait qu’il y a des raisons objectives qui expliquent pourquoi ils sont mal appréhendés. L’une de ces raisons, et elle ne date pas d’aujourd’hui, ce sont les compétences et les expériences capitalisées des agents de l’Etat. L’examen des actes de gestion de ces agents, et particulièrement les opérationnels, ceux qui sont en contact avec le public, le confirme. Bien entendu, les responsables sont au premier chef concernés par les résultats médiocres relevés ici et là, que ce soit dans le secteur financier à la traîne (banque, fiscalité, douane, etc.), encore sclérosé malgré des directives pour une numérisation diligente ; une justice toujours sous influence ; le service public général (wilayas, municipalités, voirie, services postaux, etc.) fortement désorganisé ; l’inexistence d’un système d’évaluation des performances sous-tendu par une formation continue et permanente. Les derniers limogeages décidés par le chef de l’Etat en font la démonstration.

Il existe un secteur névralgique très vulnérable tant que des réformes profondes n’y sont pas introduites : celui de l’éducation nationale, totalement en manque de rationalisation et toujours entre les mains de pseudo-professionnels fermés à l’universalisme. Dans ce secteur – de l’école à l’université –, si les différents paliers ne sont pas rapidement séparés du contenu du Livre et de la mosquée, rien ne progressera. Il faut laisser la mosquée pour la paix de l’âme et il est urgent de redonner â l’école sa fonction première, celle de préparer les générations futures a la cohésion et à l’harmonie sociétales par un enseignement résolument fait d’arts, de littérature, d’histoire, de mathématiques, de philosophie, de physiques, de sciences, de sociologie et, surtout, d’ouverture d’esprit.

Le manque de compétences et le manque d’expérience sont un enjeu que les tenants de l’Etat doivent considérer avec attention. Il est vrai que les agents en poste détiennent des diplômes universitaires, mais au cours des trois dernières décennies, ils ont rarement acquis l’expérience nécessaire et suffisante pour faire que les performances des institutions soient améliorées systématiquement et, surtout, évaluées sur la base de règles sanctionnant les résultats atteints par les services de l’Etat. Sans ces compétences ainsi que leur capital expérience, et, notamment, sans les influences exogènes, leurs performances continueront de faire du surplace au grand dam de la population.

Mieux encore, en matière d’administration générale, et à titre indicatif, si l’équilibre n’est pas développé entre la stratégie générale, les activités opérationnelles et les ressources humaines, sans de nos jours ignorer la numérisation, l’échec sera toujours au rendez-vous. Afin d’y remédier, il importe de lier ou d’arrimer la stratégie avec les opérations (1) de terrain qui doivent être menées d’abord par des autorités qualifiées et avérées ; développer en continu des relations avec les organismes intéressés, les employés, les usagers, les partenaires et, bien entendu, les institutions ; perpétuer et insister sur l’amélioration des compétences et des capacités professionnelles des opérateurs à tous les niveaux, et ce par des formations de courte durée et en mode continu.

En matière de développement organisationnel, j’ai croisé, des «experts» algériens de «haut niveau». Ils étaient fiers d’être appelés à proposer des démarches pour résoudre des problèmes dans certains secteurs d’activité. Très compétents là où ils exercent, ils n’ont pourtant aucune expérience opérationnelle en Algérie. Leurs interventions resteront un échec qui coûte cher.

Dans toute organisation, le déploiement des compétences et des expertises s’opère en fonction de ses stratégies et de ses plans d’action. Cependant, cela ne semble pas être un facteur déterminant dans celles du gouvernement. Et c’est peut-être pour cela qu’il est légitime, depuis le Hirak, que le commun des mortels pense que le président de la République a beau mettre de l’avant ses réformes et les changements qu’il a entrepris depuis son élection, l’insatisfaction est toujours présente et même les défenseurs, les vrais, ceux de l’Etat, doutent des résultats des décisions énoncées. L’incompréhension persiste encore sur les motifs du manque de discernement qui fait que l’intelligence et la raison du service public ont été évacuées des différents processus de stabilisation de l’Etat.

Le cas de la justice et celui de l’éducation nationale en sont un bon exemple. Lorsqu’il faut patienter que les mises à niveau soient faites, les appréhensions au sujet des cas traités créent le tourment qui se transforme en égarement. Surtout qu’en la matière, les décisions judiciaires se prennent encore et encore sur diverses influences que subissent des magistrats et c’est toute la confiance en la gouvernance qui est vulnérabilisée. Parmi les cas les plus sensibles, celui des détenus d’opinion, qu’il faut distinguer des subversifs, embarrasse et gêne bien des citoyens. Oui, personne n’ignore que la justice est intransigeante, cependant, il y a toujours eu un minimum de circonstances atténuantes pour alléger les peines et rendre ces égarés illusionnés, aussi subversifs soient-ils, à leurs familles et à la vie civile, même avec des restrictions civiques temporaires, mais légales.

Les autres affaires nationales et la diplomatie

Sur un tout autre chapitre, il y a de cela quelques mois, dans ces mêmes colonnes (2), j’avais mis l’accent sur les succès de la diplomatie algérienne. Des succès palpables, puisqu’il est question d’une continuité pour ne pas dire d’une permanence de l’œuvre des aînés durant la Révolution du 1er Novembre 1954. Ils ont été consolidés par de nouvelles percées observées que ce soit en Asie, en Afrique, en Europe ou dans le reste du monde. L’un des faits marquants est le mandat obtenu pour siéger au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Membre non permanent, elle saura prendre part aux échanges, notamment en portant la voix des pays victimes des retombées d’un ordre mondial à l’agonie et bâti par des puissants sans scrupules.

Toutefois, on relève un ralentissement pour ne pas dire un engourdissement des activités. Que ce soit sur le plan régional et méditerranéen, avec le renforcement des relations avec la Turquie et celui de la coopération avec l’Italie, ce qui n’est pas le cas avec la France. Les affaires étrangères carburent bien me dira-t-on, cependant, il est évident que la stratégie a changé au regard des enjeux nouveaux. En matière de gouvernance des Etats, le changement des leaders et autres animateurs de la politique nationale découle des nouvelles stratégies que le pays met en œuvre. La diplomatie procède de la même démarche : elle sert les intérêts du pays. Cela ne peut pas se faire en raison de situations qui font que ces enjeux sont mal perçus ou créent des adversités entre les animateurs gouvernementaux.

«Communauté» ou «communautés» ?

Dans son discours sur l’état de la nation, le président de la République a mis en avant son soutien aux communautés algériennes vivant à l’étranger et particulièrement la plus proche, c’est-à-dire celle qui réside en France en particulier et en Europe en général. Deux axes ont été mis en exergue : d’abord la perte de sens des gouvernants français et autres européens, ensuite les contingences politico-économiques avec leurs effets sur le social, qui devraient inciter les Algériens à regarder vers la mère patrie. Or, nous savons qu’en France, la communauté est stratifiée. Plusieurs segments ou catégories de binationaux, de générations, de résidents, de sans-papiers, sans compter ceux qui se revendiquent comme algériens parce que natifs d’Algérie.

Les modifications apportées à la loi sur l’immigration ne sont pas sans effets sur les enjeux générés par les liens avec l’ancienne puissance coloniale. Nous savons que le laxisme a dilué les appartenances, non pas et seulement, aux anciennes colonies devenues indépendantes depuis plus de soixante années, mais a, aussi, englouti bien des ressortissants dans les espaces communautaristes et idéologiques. Alors, une toute petite question bien singulière me vient à l’esprit : que ce soit la Fédération des Algériens en France ou le nouveau venu, le MOUDAF, ont-ils procédé ne serait-ce (qu’au) recensement des binationaux qui œuvrent dans les nombreux domaines d’activité ? La question se pose aussi pour les autres associations d’Algérie dans le reste du monde.

Pourtant, avant de revendiquer quoi que ce soit, le seul cas de la sensibilisation et de la mobilisation des communautés algériennes montre que les services diplomatiques, comme les organisations de la société civile, sont hors-jeu. Les ajustements nécessaires mettent du temps à se concrétiser, alors que la participation des Algériens à l’étranger est un atout certain face aux adversaires et, essentiellement, aux ennemis du pays.

Par ailleurs et pour conclure, un récent sondage (décembre 2023) laissait apparaître des clivages menant à la rupture avec les ratonnades des années 50 et 60, pour s’orienter vers la chasse aux musulmans, avec les Algériens en ligne de mire. Nous savons qu’un sondage est une image instantanée d’une situation qui n’est pas sous contrôle. L’islam, y compris celui pratiqué en France, comme celui du reste du monde, est hétéroclite et complexe, ne serait-ce que par le schisme sunnisme-chiisme. Il est aussi diversifié que les cultures qu’il habite. Il peut réunir, mais ne saurait unir des Turcs, des Sénégalais, des Maliens, des Nigériens, des Egyptiens, des Qataris, des Ouigours, des Albanais, des Bosniaques, même des convertis de tout bord, etc. Et les politiques français ont de quoi toujours diviser pour s’opposer à une force qui, si elle était unie, nuirait à la cohésion sociétale et républicaine française. Cependant, ils ne peuvent ni évaluer ni s’opposer à des communautés qui ne veulent pas être assimilées, mais seulement intégrées comme citoyennes à part entière.

En France, un ressourcement de la citoyenneté est peut-être nécessaire, non pas sur la base du seul triptyque – liberté, égalité, fraternité –, trois concepts complémentaires mais souvent mal perçus ou quelque peu érodés, parce que, de nos jours, distants de la laïcité. Cela réduit à néant la conception de la fraternité servie en fonction des idéologies partisanes. Par conséquent, ce ressourcement recadrerait les prises de position dans la stricte conception républicaine. Bon ! Bien entendu, c’est, là, une affaire française qui nous concerne seulement de loin, mais que les liens historiques remettent au goût du jour seulement lorsque les droites viennent polluer l’ambiance.

En revanche, les choix nouveaux de l’Algérie devraient être simples. Ils doivent être tournés vers le bien- être du citoyen. Citoyen, c’est ce concept qu’il faudra définir de façon explicite dans la Constitution.

F.-R. C.

Analyste Senior, Groupe d’études et de recherche Méditerranée Amérique du Nord (German)

1) Gestion des entreprises : amélioration systématique des performances et activités opérationnelles stratégiques, Mémoire de fin de cycle INPED, juin 1991. Mise à niveau ESG : UQAM.

2) https://www.algeriepatriotique.com/2022/06/01/la-politique-exterieure-dun-pays-est-le-reflet-de-sa-politique-interieure/#comments

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