Le carcan, l’immigration ou l’exil ?
Une habitude ce n’est pas facile à perdre - 3 -
Poursuivant la conversation de la veille, je demande au Numide s’il ne s’agissait pas plutôt des Québécoises !? Il répond sans hésitations. Non je dis bien Canadiennes. Au début des années 2000, les compatriotes ne parlaient que des Canadiens et des Canadiennes. Ce n’est qu’à partir de 2003 que l’image du Québécois s’installe dans les conversations entre les nouveaux arrivants. C’était peut être du aux effets du 11/09.
C’est donc dés le début que j’ai découvert que ma perception de l’environnement québécois n’est pas la même que celle des autres ; j’ai commencé à m’intéresser aux institutions, à la citoyenneté, à la culture et aux arts, aux contours sociologiques et linguistiques, à l’attitude et aux comportements, etc. Mes questions portaient sur l’adaptation et les ajustements dont j’avais besoin pour me mettre au diapason de la société d’accueil. Une société qui se qualifie de ‘’distincte’’ des autres en Amérique du Nord.
Qu’as-tu pensé à ce moment précis, t’es tu retrouvé ou as-tu perdu tes repères ? Je me demandais si mes valeurs allaient heurter de front les leurs ou se ranger à côté ou encore s’enrichir ? Aurais-je à me mettre à niveau et comment le faire surtout qu’on dit que celui qui a une habitude il ne la perd jamais ? Quelqu’un qui se prévalait de bien connaître la société québécoise, un jour m’a dit, ils parlent toujours de leurs valeurs mais à quoi se résument-elles ? À la langue française et nous en avons une meilleure, l’Arabe – ils parlent de l’égalité entre les hommes et les femmes alors que l’Islam nous invite à l’équité… avant même qu’il ne finisse son discours je lui ai demandé pourquoi avec la eilleure langue au monde et la meilleure valeur morale en l’occurrence, l’équité, il a quitté l’Algérie et pourquoi a-t’il choisi de venir s’installer au Québec !? Il se tut quelques secondes et me répondit : ce n’est pas la même chose. J’ai quitté le pays à cause des dirigeants, ce sont tous des corrompus et en Algérie on ne parle pas l’arabe on parle algérien … je lui demande alors pourquoi avoir choisi le Québec et pas un pays arabe ? Il répondit : les autres pays arabes !? Leurs gouvernants, eux-aussi, sont tous des corrompus et pire que les fascistes. Et là-bas l’intégrisme est pire qu’en Algérie. Je lui demande alors comment se fait-il qu’il se soit approprié des habitudes et des pratiques qui ne font partie ni de sa culture algérienne, ni des usages de son milieu familial et encore moins de son éducation. Il faut savoir que ce monsieur est diplômé en physique et enseigne dans une école secondaire. Il me répondit que face à la vie que mènent les nord américains, leurs mœurs, l’organisation sociale et familiale qui font qu’il n’ya ni le respect des plus âgés, ni celui de la femme - ils font de leurs femmes des objets de plaisir et ils osent parler d’égalité – je ne peux pas me permettre de laisser mes enfants aller dans ce sens... J’ai préféré me lever et le saluer avant de le quitter sans me retourner. Il a eu beau me demander de rester encore quelques moments…
L’as-tu plaqué ? Que s’est il passé après cela ? Es-tu resté ou es-tu vraiment parti ?
Oui, parce que j’ai compris que nous parlions la même langue mais pas le même langage. En fait nous n’étions pas sur la même longueur d’onde, donc je lui ai clairement fait comprendre que j’avais fais un choix délibéré en venant au Québec ; d’abord pour la langue française que bien des écrivains algériens se sont appropriés et qui reste encore en Algérie la langue de travail, ensuite pour l’égalité entre les hommes et les femmes qui présuppose l’équité et par conséquent la justice et l’impartialité et, que pour moi l’intégration veut dire l’acquisition non seulement et simplement des habitudes sociales du pays d’accueil mais aussi celle d’une habitude mentale. Il a encore essayé de me dissuader de partir et j’ai du répliquer vertement que mon intégration, malgré mon âge avancé, ne se limite pas à parler le français et à travailler mais aussi à m’impliquer dans tout ce qui est proximité des gens du pays.
N’as-tu pas été trop fort avec lui ? Il me semble que tu t’es emporté. Ce que tu lui as dit est agressif ? Le Numide se tut quelques secondes me regarde dans les yeux et poursuivit…
À suivre…
Ferid Chikhi