Algérie : Le Hirak et le renouveau de l’Algérie
Le pouvoir pourrait mettre en place des
passerelles pour un dialogue serein et sincère.
Le Hirak c’est déjà l’an II et les opportunistes
sont toujours à
l’affût
pour dénigrer, nier, récupérer et le pire ce sont les
organisations à l’origine de la débâcle institutionnelle, de la gabegie, des
faux fuyants qui ne s’empêchent pas de s’approprier les acquis du mouvement
pacifique du 22 février. C’est ainsi que nous assistons à ce qu’a énoncé en son
temps l'historien grec Thucydide qui avait dit : ‘’l’Histoire est un éternel recommencement’’.
Même si bien plus tard, Louis-Ferdinand Céline nous dit, dans son style coloré, que « l’histoire ne
repasse pas les plats ».
Les
rendez-vous spontanés
L’Algérie a de tout temps
eu des rendez-vous, souvent qualifiés, d’historiques qui marquent des arrêts et
expriment les aspirations de son peuple sans pour autant que des animateurs,
des leaders ou des meneurs n’émergent pour en devenir des figures de proues que
l’histoire retiendra. C’était ainsi mai 1945, en décembre 1960 à la veille de l’indépendance.
Mille et une tentatives de récupération ont été observées, ici et là, mais
aucune n’a réussi. Pourtant, si la répression après mai 1945 a été sauvage et
mortelle celle d’après février 2019 a été moins violente si ce n’est pour
quelques animateurs qui ne sont plus visibles sur les radars et les arrestations
d’autres subversifs qui seront vite oubliés. Or, aujourd’hui, la crédibilité
des nouveaux hommes de la gouvernance dépend de leur efficacité avec une concentration de décisions
pragmatiques ne serait-ce que pour que chacun sache quel regard porter à court terme, que
peut en attendre chaque Algérien et comment aider à redresser la barre ?
Je le
dis souvent, le Hirak fait partie de ces moments qui fécondent le sens commun.
Le peuple se lève et se tient debout pour se libérer du joug d’un pouvoir qui a
tenté d’empêcher jamais son expression et ses libertés. Il est réellement tout
un rendez-vous qui met aux prises un peuple, une patrie, une nation a des
gouvernants de tous bords qui ont mené à la dérive les institutions de l’État. Un
pouvoir qui a provoqué la mort ou l’exil de milliers de jeunes, des hommes et des
femmes, diplômés des universités et des grandes écoles. Il a poussé d’autres à
se noyer en Méditerranée, sans compter tous les laissés pour compte qui n’arrivent
pas à vivre autre chose que la mal-vie qu’ils connaissent depuis plus de deux
décennies. Il a notamment ignoré l’histoire et la mémoire collectives des
Algériens. Il a détourné et il a dilapidé les richesses accumulées, il a gaspillé
le patrimoine de confiance et il a particulièrement imprimé pour longtemps une défiance
d’un citoyen perçu comme un sujet de bassecour.
L’Algérie
et l’Algérien se retrouvent après soixante années d’indépendance toujours en quête
de libertés pourtant considérées comme acquise dans le sillage de l’indépendance
du pays chèrement acquise. L’Algérie est menacée de toutes parts. Elle l’est à
l’intérieur par des maffieux qui se sont érigés en représentants du peuple et
en propriétaires ad vitam aeternam des mécanismes institutionnels.
L’Algérien, malgré sa résistance éternelle, est en ce début de millénaire dans
un statut d’enchaîné sans chaînes, réprimé par des lois qui le limite non
seulement dans sa mobilité physique mais aussi dans sa réflexion pour innover
et créer selon ses aspirations légitimes.
De quelques séquelles et acquis du Hirak
Alors, le Hirak, puisqu’il
en est question, a-t-il atteint ses objectifs majeurs ? Bien entendu, OUI !
Il poursuit sa marche. Comme résistance pacifique il
n’est plus à la croisée des chemins parce qu’il a réalisé des consensus jamais
opérés auparavant. Il a ébranlé le système en place sans le désactiver
totalement. Ses acquis sont nombreux et l’on peut en dénombrer au moins une demi-douzaine
qui sont : l’éviction d’un
président qui a échoué dans sa gouvernance ; la création des conditions pour
discerner les stratagèmes et autres manœuvres à l’origine d’un marasme
multiforme ; l’ouverture de la porte d’un non- renouvellement de la confiance
à un pouvoir qui ne semble pas avoir encaissé et compris la leçon du Yetnahaw
Ga’3. Il a malheureusement laissé des brèches pour l’accès à des opportunistes
impénitents de la chose politique qui n’ont pas encore décrypté le sens commun
de ce mouvement. Il a aussi provoqué des mutations profondes mêmes si pour l’heure
elles ne sont pas visibles et enfin il a tracé les contours d’une nouvelle
vision de l’Algérie.
A-t-il eu d’autres effets,
même secondaires ? Oui ! Parce que le citoyen Algérien a de grandes aspirations
qui sont inaltérables. Il s’agit pour lui du droit à une vie digne et exempt d’asservissement avec un sens de l’appartenance
à une nation fière et reconnue globalement pour son intégrité et sa loyauté. L’Algérien veut des dirigeants
qui soient à l’image de cette jeunesse créative et mature et non pas à l’image
de ces nonagénaires dépassés par les progrès scientifiques, la modernité et les
développements divers faits tant au niveau local qu’au nveau international. Il
veut des têtes nouvelles avec des profils originaux – juste à voir toutes les
réactions d’admiration que chacun exprime lorsque certains réussissent dans les
pays qui les ont accueilli par suite d’un exil forcé – qui influent directement
sur toute la société et sur chaque individu et ce ne sont pas les enseignements
dépassés d’une idéologie régressive qui changeront quoi que ce soit. Plusieurs
observateurs, des militants et des activistes se sont donnés pour devise d’éviter
que le mouvement soit détourné par les corrompus et les opportunistes de tous
bords mais au 21ième siècle, celui que les anciens qualifiaient de Karn
arb’atache celui
de la perte de sens tout est possible notamment avec le soutien des officines
qui œuvrent dans l’intérêt de ceux qui les soudoient.
Alors, deux questions vitales
se posent d’elles-mêmes et se déclinent comme suit : Si ayant atteint ses objectifs principaux même
s’ils restent pour beaucoup illisibles, le Hirak peut-il être aller de l’avant ?
SI c’est le cas par qui et comment peut-il l’être avec une pandémie qui
commande au confinement, à la distanciation et au non-rassemblement des
citoyens et aux autres dangers invisibles qui guettent le pays ?
Comme Novembre 1954 engendré
par les démarches politiques des premiers compagnons de la résistance face au
colonialisme, favorables à l’indépendance de l’Algérie et systématiquement régénéré
par les nationalistes et patriotes résidants à l’étranger, le Hirak peut être transformé
par des citoyens engagés et émigrés aussi bien en Europe qu’en Amérique du Nord
et ailleurs dans le monde. Ils ont tous et pour toujours l’Algérie au cœur. Ce
sont de vrais patriotes qui ne se laissent pas manipuler par les services d’intelligence
étrangers. Ces patriotes sont qualifiés, actifs, entreprenants et comptent dans
leurs rangs notamment d’anciens militants des partis démocratiques qui ont
lutté contre l’islamisme, ils pourraient avoir le vent en poupe pour peu qu’ils
soient aidés pour s’organiser en tenant compte des changements de fonds
observés au pays.
Dans son discours de jeudi
18 février 2021, le Président Tebboune a fait une série d’annonces. Pourtant, au-delà
de leur importance non négligeable, elles sont encore une fois très mal diffusées
et relayées. Leur lisibilité est nulle. La méthode de communication est encore
une fois obsolète, même celle relative à l’ouverture pour le rajeunissement des
candidats à l’assemblée nationale et à laquelle bien des jeunes devrait s’accrocher.
Les autres messages sont à redistribuer parmi lesquels trois sont
consistantes : celle des affaires de sécurité nationale ; celle du nouveau
découpage administratif du sud et celle de la nomination des nouveaux walis.
L’analyse, l’examen et l’explication de ces annonces devraient être repris. Ils
tendraient, par exemple, à dire pourquoi une nouvelle configuration administrative
du Sud au moment où il est proposé un échiquier politique avec une implication plus
appropriée de la société civile et l’aide qu’elle peut avoir pour s’organiser ;
comment ont été choisi les nouveaux Walis. C’est de cette Algérie nouvelle dont
il est question et présenté par le président Tebboune à
quelques encablures de la tenue prochaine des élections législatives.
Retenons que le gouvernement de Abdelaziz Djerrad est
ajusté. Il a déjà fait de son mieux pour mener à bien ses affaires. Cependant, d’autres
domaines d’activités connaissent un retard dans les correctifs attendus et ce en
raison des profils des ministres qui n’auraient jamais
dû être nommés parce que loin de connaître la signification de l’efficacité. Leur
feuille de route était clairement énoncée mais ils ont agi sans jamais se
débarrasser de leur mauvaises habitudes de tout nier, de tout rejeter, de tout
dénigrer venant du même gouvernement qui les a accueillis. Face aux missions du
ministère qui leur a été confié et aux tâches traditionnelles d’un ministre,
ils sont restés inactifs sans pouvoir atteindre les objectifs assignés et
encore moins tenter de faire le minimum qui était exigé d’eux. Si leur incompétence
et leur arrogance ont aidé à la création de nouvelles brèches dans bien des
secteurs, leur attitude et leur comportement sont à considérer avec attention
afin de ne plus refaire le même type d’erreurs avec d’autres candidats. La
tâche incombe à ceux qui sélectionnent, qui choisissent et qui aident à la désignation
des commis de l’État. Ils devraient, eux aussi, changer de paradigmes et sortir
des vieilles méthodes d’enquêtes privilégiant le clientélisme, l’appartenance à
un groupe, etc. et se focaliser sur les profils alliant les qualifications, les
compétences, les expériences et surtout les réalisations passées et surtout qui
savent se remettre en question. Ce sont les critères de base
pour mettre de l’avant de vrais bâtisseurs. Pour mener à bien cette mission, le
secteur des universités a besoin d’actions vigoureuses et doit être investi pour
d’abord les sortir des griffes des pseudos-experts qui n’ont jamais rien prouvé
dans leur vie professionnelle et dégager des lignes directrices pour mettre
de l’avant les profils de ceux qui sont les plus doués, les plus habiles et les
plus talentueux. C’est aussi la voie pour éviter que des ‘’endoctrinés et
embrigadés’’ par des organisations politiques qui ne cachent pas leur ‘’religiosité’’
ne viennent perturber les affaires de l’État.
Pour conclure, les
effets du Hirak font que les équilibres politiques sont en cours d’ajustement aux
nouveaux contours imposés par les changements majeurs non seulement internes
mais aussi régionaux. Ceux qui attendent des retombées de ce vaste mouvement
populaire devraient réfléchir en tenant compte de leur propre apport à la
cohésion sociétale avec un minimum de pragmatisme face aux contraintes et autres
préoccupations non seulement du simple citoyen mais aussi de toute la société Algérienne.
Cela requiert des nouveaux dirigeants la confection d’états des lieux
exhaustifs si ce n’est des diagnostics solides et sérieux en évitant de confier
les destinées du pays à des charlatans qui ne possèdent que le déni et la
défiance comme compétences et aucune aptitude à faire avec les destinées
de l’Algérie.
Ferid Racim Chikhi
Analyste Groupe de réflexion
Méditerranée Amérique du Nord (German)
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