L’Algérie et ses compétences à l’étranger
En ce mois de décembre 2021 l’Algérie, vue de loin, fait face à
des contraintes multiples tant sur le plan social, culturel, économique, politique
et géopolitique sans occulter le déficit en compétences adéquates. Retenons que
depuis le rideau est tombé sur les dernières élections municipales ce sont les
indépendants qui ont créé les prémices d’un frémissement de changement … même
si le peuple, a clairement signifié, encore une fois et par une forte
abstention, son message : Yetnhaw G’aa.
Le
pouvoir poursuit le déploiement de son programme malgré des insuffisances évidentes
notamment dans le choix des hommes et les objectifs assignés. Sans lever les
contraintes endogènes, qui mettent sous l’éteignoir les valeurs sures du pays, il
lorgne vers les compétences qui ont fui le pays pour se reconstruire et réaliser
leurs rêves. Au cours du mois de novembre 2021, deux initiatives ont été
lancées, l’une par le gouvernement, l’autre par le politologue Saïd Sadi. Deux initiatives
appelant à la mobilisation et à la sensibilisation des compétences Algériennes
à l’étranger. Les contenus n’ont pas la même teneur et les axes de réflexions divergent.
État des lieux (à défaut d’un diagnostic)
Toutes observations confondues, diverses questions sont posées et pour le moment toutes sont
sans réponse. L’une d’entre-elles est la langue de communication. Qui peut anticiper la compréhension ou l’incompréhension des futurs évènements sachant que la langue de travail est définitivement l’arabe ? Comment ceux qui vont se lancer dans l’expérience, communiqueront-ils avec les cibles éventuelles, sachant que des départements ministériels sensibles ont imposé à leurs employés de ne pas communiquer en Français ? Ce qui démontre encore une fois que faute d’un diagnostic précis, personne n’ignore que les organisations et leur fonctionnement sont dépassés. L’obsolescence des équipements, des méthodes de travail, des organigrammes, des procédés de gestion, etc. a généré des impasses qui ne sont plus à emprunter. Par conséquent, l’élaboration d’un schéma global de rénovation devrait être réfléchi et ses grandes lignes d’intervention clairement énoncées.Les causes de la fuite des compétences
Comme souligné plus haut, la
fuite des compétences a été motivée par différents facteurs. Les causes recensées
et largement documentées montrent que les caractéristiques qui ceignent ces causes
vont du clientélisme au régionalisme en passant par les interférences diverses,
le piston avérés, le népotisme dégradant, les recommandations multiples, etc.
Sachant qu’elles ont été mises en œuvre par des gouvernants sans éthique,
sans cadre de références appropriées, sans code déontologie, les gardiens du
temple n’hésitent pas encore à faire fi des intérêts du pays pour favoriser
leurs proches et protéger leurs positions, alors que le pire réside dans le
fait qu’ils sont les premiers à tout faire pour quitter le pays. Mais à ce
niveau de la réflexion deux questions sont posées : Pourquoi cela a-t-il autant
perduré ? Si de nos jours, le pays n’arrive pas à avoir une politique de
rétention nationale des finissants des universités (une politique de
fidélisation) comment peut-il intéresser ceux qui sont partis ?
Les ressources humaines qu’elles
soient en Algérie ou à l’international peuvent être à la fois des leviers efficaces
mais aussi constituer des résistances face un manque de reconnaissance et à des
épisodes malheureux de leurs vies professionnelles. Ces deux aspects sont
portés par le nombre de personnes environ trois (3) millions sur huit (8)
millions de personnes ayant migré et qui pourraient être intéressées par ce projet
de plan d’intervention.
Cependant, si en Algérie,
malgré les efforts consentis, les compétences et les qualifications sont de
base, à l’étranger les ressources humaines sont variées, souvent spécialisés et
pour cause, les formations acquises en Algérie ont été consolidées ailleurs ; les
pratiques professionnelles ont bénéficié d’adaptations et de diverses
intégrations qui permettent une capitalisation des expériences sans occulter
les transferts de compétences pour l’exercice de métiers nouveaux. Cet ensemble
de facteurs peut faire l’objet d’un transfert de savoir-faire à destination de
nos compatriotes en Algérie.
Une mémoire qui inhibe et un avenir à saisir
Dans le propos de Saïd Sadi, plusieurs sujets concernant l’Algérie sont
abordés avec force argument. Par exemple, celui de ne jamais se faire prendre
par l’inhibition mémorielle. Ne jamais se faire prendre aux pièges tendus par les
gardiens du temple. Il est vrai que même les colonisateurs n’ont jamais dérogé
à la règle selon laquelle, seules leurs lois s’appliquent au détriment des
libertés fondamentales. Les gouvernants font la même chose. Ils veulent
préserver leur pouvoir coute que coute. Ils ont effacé l’histoire originelle de
l’Algérie. Ils l’ont falsifiée dans bien des cas et le pire ils sont arrivés à
imposer à l’Algérien que son silence est meilleur que sa parole. En revanche,
le vide créé par ce silence donne l’opportunité à des ignorants de prendre une
place qui n’est pas la leur et à brosser dans le sens du poil. Il n’y a plus de
gens cultivés, de personnes éduquées, de sages, de savants, de lucides pour
prêcher la bonne parole.
Les élites … exceptions faites de quelques rares émancipées, mieux vaut
ne pas en parler. En réalité, une question essentielle est posée : qui
fait partie de ces élites et qui ne l’est pas ? Les trois dernières décennies ont
successivement vu l’extermination de ceux qui ont un tant soit peu émergés ;
ceux que la gouvernance a réduit au silence au point qu’ils se terrent comme s’ils
étaient complices et enfin parmi le peu qui restent l’appel de la mer est plus
fort que celui de la terre. C’est dire combien, l’esprit critique, la raison,
le bon sens ne font plus partie de l’idéologie universelle et personne n’ose y
remédier tant les réactions sont contradictoires. Les gardiens du temple continuent
à sévir.
Schéma de réflexion et d’intervention
Par conséquent, malgré la
diversité des démarches et des groupes apparus, ici et là, des opérations visant
à mobiliser et à sensibiliser les potentialités nationales à l’étranger seraient
appropriées comme phase de départ. Il faut que cela se fasse avec un plan d’actions
transparent porté par, au moins, quatre (4) axes de travail. Ces axes de
travail doivent à leur tour être approfondi au niveau des régions et des zones.
Le schéma en question devrait contenir un exposé des motifs et un énoncé des objectifs
par secteur et domaine d’activité ; la détermination des moyens ainsi que des
contours des interventions ; une planification des opérations à réaliser
en amont (à l’étranger) et en aval (en Algérie) ; une stratégie opérationnelle
qui tienne compte du lien qui relie les compétences à l’étranger et celle en
Algérie et enfin des guichets logistiques aux différents points d’accueil.
Déséquilibres et dysfonctionnements et DNRH
Pour améliorer ses prestations de services le
gouvernement doit ajuster toute son organisation et son fonctionnement, tous domaines
d’activités confondues et initier avec sérieux et sans réserve un plan spécifique
d’intégration des potentiels des ressources humaines tant sur le plan national qu’international.
Alors, une question d’ordre stratégique se pose : Pourquoi ne pas créer
une direction nationale des ressources humaines ? Celle-ci aura en charge l’impartition
des compétences locales et lancer les appels à celles qui se trouvent hors du
pays. Elle devrait jouir des pleins pouvoirs loin des interférences des officines,
et ainsi devenir une organisation percutante de l’observation des formations,
des placements et des résultats de gestion en évitant qu’elle ne devienne une
autre fonction publique.
Les Algériens dispersés aux quatre coins du monde pourraient y
contribuer par leur soutien à ceux qui au pays font de leur mieux pour gérer, guider,
manager et orienter l’éducation, le commerce, les industries, le tourisme et les
transports ainsi que tous les autres domaines d’activités du pays telles que les
technologies nouvelles (digitalisation, numérisation, robotisation…), l’écologie
et les énergies renouvelables qui restent des créneaux porteurs. Le pouvoir en place
s’est mis en branle pour réduire si ce n'est supprimer : les facteurs qui confirment
les multiples déséquilibres et dysfonctionnements en matière de compétences
nationales disponibles au pays ; les passe-droits ainsi que le manque de
sélectivité des ressources humaines en raison notamment de l’interventionnisme
des personnes en autorité ; la reconnaissance des compétences, des expériences et
des qualifications homologuées de ceux qui attendent leur tour ; la définition
d’une culture globale tenant compte des changements fondamentaux que connait le
monde et les deux régions Méditerranéenne et Africaine. Cependant, les
résultats sont encore invisibles.
Nomenclatures RH, monographies et pôles professionnels
Afin de mieux
structurer les différents projets, au niveau international et leurs liens au
niveau national, la réalisation d’une nomenclature (recensement),
une monographie, ou mieux encore une cartographie des ressources humaines par
catégories professionnelles et par pays serait fort utile. C’est ainsi que doit
être confectionné un répertoire des intervenants intéressés ainsi que les
profils des intervenants officiels. Concomitamment, en Algérie, il est
essentiel d’une part, de concevoir un recensement (cartographie) des pôles
professionnels devant bénéficier d’une intervention en priorité : technologies
de l’information, communications, transports et infrastructures, banques et
assurances, industries légères de transformation, centres de stockages, etc. Et
d’autre part, réfléchir à des activités de délocalisations pilotes d’industries,
de commerces et de technologies du Nord vers le Sud.
Création
et organisation d’un guichet unique d’accueil
L’Algérie a mal
à ses compétences. Elles sont malmenées, ignorées, réduites au silence,
empêchées d’évoluer et de progresser donc de se développer d’abord au pays et
surtout au pays. Les freins sont multiples et au-delà des intentions de lever
ces contraintes, de réduire leur dépendance, de supprimer les barrières, elles sont
toujours d’actualité et visibles à l’œil nu. Les gouvernants devraient prendre
le temps nécessaire et changer de postures en offrant des ouvertures réelles et
motivantes à ces compétences. Malgré la diversité des plans de travail en
provenance de toutes les zones ou ces compétences se trouvent, tous devraient
réfléchir d’abord à la création d’espaces de concertation, d’expression et de
mises en valeurs des idées suggérées par secteurs d’activités. Les acteurs à
l’international doivent trouver les conditions d’accueil dans des réponses
diligentes en mesure de créer des synergies quel que soit le lieu et le domaine
et l’organisation. Ensuite, la création et l’organisation de groupes d’analyses,
de propositions et de réflexions, par secteur d’activité et par fonction seraient
les bienvenus. Et pour terminer, ce qui sera déterminant, dans l’attente d’un
fonctionnement sans accroc, c’est l’avènement d’un guichet logistique unique en
Algérie pour proposer des facilitations d’accueil et de prise en charge des consultants
et leurs recommandations, etc.
Ferid Racim Chikhi
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