28 sept. 2021

Un Numide en Amérique du Nord - 356

Langue française au Québec : Le projet de loi 96 est-il bien ficelé ?

La commission parlementaire de l’Assemblée nationale poursuit ses travaux d’ajustement du projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Ce sont surtout les avis de juristes et autres constitutionalistes qui sont les plus entendus. Les sociologues, les enseignants, les écrivains, etc., ne se bous culent pas au portillon. Loin de combler ce manque le propos qui suit mentionne de manière succincte quelques aspects et paramètres devenus presqu’invisibles même s’ils nous heurtent tous les jours.  

En 2012, des indicateurs de l’OCDE, soulignent que la fragilisation de la langue française au Québec est probante. Cette alerte a été donnée parce que le niveau de compétence en littératie de la population Québécoise était déjà, à ce moment là, très faible pour un pays faisant partie du G8. Bien entendu n’importe qui de sensé se poserait des questions aussi légitimes que celle qui consiste à se demander, entre autres, si la prestation de l’éducation nationale et de l’enseignement du Québec de l’école primaire au collégial est qualitative ?

L’analphabétisme, l’arme de destruction massive du Français

Donc, dès 2012, L’OCDE nous dit que ‘’… le Québec compte 53,2 % de sa population âgée entre 16 et 65 ans qui aurait de graves problèmes de littératie… La province serait ainsi 9ième au pays, loin derrière le Yukon (44,4 %), l’Alberta (44,9 %) et l’Île-du-Prince-Édouard (45,3 %).’’ Loin de se stabiliser ou de s’améliorer la situation ne ferait qu’empirer. Il est vrai que le gouvernement provincial tente de colmater les brèches parce qu’il s’agit de la langue nationale première. En revanche, le gouvernement fédéral place des embûches partout où cela lui est possible en privilégiant la généralisation de la langue anglaise en conséquence de quoi c’est toute la société d’expression française qui en pâtit.

Des agressions multiformes

Comme toutes les langues hégémoniques, l’anglais en est une qui ne tolère aucune autre langue à côté d’elle, sauf si elles sont correctement régentées : voir en Belgique ou en Suisse. Le bilinguisme a toujours été favorable aux langues dominantes.  

Dans le champ de la pratique quotidienne le français est doublement ostracisé d’une part par l’océan anglophone et d’autre part par les langues minoritaires que le multiculturalisme défend au nom d’une soi-disant liberté due aux locuteurs allophones. Ces derniers parlent des langues d’importation qui diminuent l’influence et la pratique du français par des déformations tout à fait naturelles qu’ils véhiculent (prononciation, syntaxe, et autres règles grammaticales non respectées).

Un autre aspect de la fragilisation du français est celui qui fait qu’en région, la démographie décroissante exige des solutions en main d’œuvre pour bien d’autres secteurs d’activités. Cela constitue un cheval de Troie par lequel pénètre, par exemple, l’espagnol parlé par les Mexicains et autre latino-américains embauchés occasionnellement pour les récoltes des produits de nos régions.

Une autre infiltration perfide est celle de l’affichage. En effet, la communication visuelle est souvent suggestive. Les règles en la matière doivent être bien réfléchies sans quoi ce qui est écrit dans une autre langue véhicule forcément un message, y compris, idéologique, du genre : Sushi, Émir, Halal ou Casher, etc. La question est de savoir si l’affichage peut être autorisé en alphabet Latin et porteur d’un message avec un signifiant français ou non ?  Le tout étant de veiller à ce que l’affichage en langue étrangère ou en alphabet latin soit contrôlé.  

Le Québec une future tour de Babel

Comme souligné plus haut, les langues des immigrants sont mises de l’avant par un multiculturalisme ghettoïsant, plaçant les cultures d’importation dans des silos sans risque de communiquer entre elles et de se mêler les unes aux autres. En poussant au ‘’parcage’’ des immigrants, dans des quartiers où ils peuvent se retrouver entre eux, on les éloigne de la société francophone d’accueil et d’une amélioration constante et permanente du vivre ensemble. Avec de telles pratiques, les langues d’importation deviennent des langues qui encerclent le français et l’affaiblissent pour finalement le réduire définitivement. Sous peu, la belle province deviendra une tour de Babel où chaque individu ne saura plus parler aux autres. 

Certes, le projet de loi 96 ne fait pas l’unanimité en ce qui à trait aux ajustements nécessaires et suffisants à même de renforcer la pratique de la langue française. Par exemple, rien n’est dit au sujet de ces langues mineures et d’importation. Pourtant, elles sont une nouvelle richesse pour le patrimoine culturel du Québec. Leur imposer des espaces d’expression naturel serait judicieux et utile pour les communications avec les communautés ethno culturelles sans compter qu’elles peuvent constituer des barrières de protection pour le français. Ce qui se fait chez notre voisin du sud serait intéressant à explorer.

L’enfermement 

Un autre aspect de la pratique de la langue première au Québec est celui de l’enfermement dans lequel elle se trouve. En fait, l’une des faiblesses observées réside dans l’occultation de l’enseignement de l’histoire du Québec. Il en résulte que les jeunes générations ne connaissent pas le rapport de la population à sa propre langue. Dans un passé récent, quelques leaders politiques se sont fourvoyés en préconisant une ‘’langue Québécoise’’ bien entendu dérivée du français, malheureusement infiltré par des expressions anglaises ; certains diront que c’est correct pour la langue parlée, alors qu'en réalité cela vulnérabilise la langue matrice.

Enfin, la régionalisation de l’immigration sans un plan stratégique prenant en considération le français dans toutes ses dimensions est un autre danger dissimulant plusieurs pièges nocifs. Nous savons que la démographie des régions est dans le creux de la vague, en témoigne la pénurie multiforme de main d’œuvre. Pour combler les déficits, il est fait appel à une régionalisation de l’immigration. Ce plan est porteur des germes de le ‘’défrancisation’’ en ce sens que, d’une part, les seuls immigrants qui vont dans les régions sont ceux qui sont importés occasionnellement pour l’agriculture. Ils sont presque à 100% hispanophones. Leur francisation est partiellement au programme et, que d'autre part, l’immigration économique orientée vers les régions se situe, à peine, entre 40 et 60% des francophones accueillis. 

Des politiques de francisation et d’éducation sans vision à long terme

Sur le terrain des opérations, le temps des combats perdus d’avance et l’illusion du budget de la francisation sont perçus différemment dans le RoC et la Belle Province. Nous savons que toutes les langues ont une durée de vie : elles naissent, elles croissent, elles vivent, elles s‘enrichissent puis elles décroissent et finissent soit par sommeiller soit par être cachées et finalement elles disparaissent. Les exemples du Grec, du Latin et … bien d’autres langues nous le rappellent constamment.

Dans le RoC le bilinguisme est officiel mais la langue vraie, la langue officielle est l’anglais et rien n’est fait pour développer le Français même comme langue seconde. Comme le Québec est une exception au sein du Canada et de l’Amérique du Nord, une seule langue officielle doit être institutionnalisée. Le Français. L’anglais ne doit être enseigné et pratiqué qu’en cas d’un besoin impérieux ou comme langue seconde au même titre que toutes les autres langues, dans ce cas la justification des peuples fondateurs doit être nulle et non avenue.

En conclusion

Le gouvernement œuvre pour ajuster les déficits, cependant, l’offre du projet de loi (96) est en deçà des aspirations de la société Québécoise francophone tant que des mécanismes de protection et de développement de la langue de tous et parlée par tous ne sont pas mis en pratique. C’est aussi en développant tous les domaines de l’éducation, la dispense d’apprentissage dans une langue pure ainsi ceux de la culture Québécoise au double plan qualitatif et quantitatif, que l’expression des locuteurs sera appréciée et que la communication s’améliorera. 

Ferid Racim Chikhi

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