10 juil. 2024

Un Numide en Amérique du Nord -380 -

 La France et le RN : des questions presque existentielles !

Demain, la République française sera confrontée à une incertitude que ni le RN, ni les forces de gauche, ni la MP et encore moins le commun des mortels français ne saura décrypter pendant au moins quelques mois.

Si, le RN prend les rênes de la gouvernance comme le signalent les sondages, tout en complétant la montée des extrêmes droites en Europe, malgré le retour de la Grande-Bretagne à gauche, saura-t-il, et pourra-t-il, faire abstraction de la moitié du peuple qui ne lui accorde pas sa confiance et même si le « macronisme » l’a ignorée, snobée, négligée ?

Le Rassemblement national aura-t-il la marge de manœuvre suffisante pour imposer ses visions souvent hors contexte ? Environ 70% du peuple français laisseront ils faire ou accepteront-t-ils les politiques qui vont les réduire encore plus ?

Le RN pourrait-il s’adapter à la real politique tant au plan domestique qu’international ? Que feront les chancelleries à Paris et leurs gouvernements qui sont des partenaires certains de la France ? (gaz, pétrole, construction automobile, etc.).

Le 14 Juillet est aux portes d’un changement de gouvernance que beaucoup n’ont pas anticipé, comment se tiendra-t-il ? 

Et les Jeux olympiques, deux semaines plus tard, du vendredi 26 juillet 2024 au dimanche 11 août 2024 ? Quels risques ? Quelles attentes ? Peut-on faire une analogie avec ceux de Berlin de 1936 si le RN arrive en première place et en fera-t-il un tremplin pour sa politique ?

A toutes ces problématiques, des réponses ont été avancées par des influenceurs favorables à l’extrême droite ; des journalistes ont posé des questions auxquelles ils répondaient avec la crainte que cette extrême droite ne soit pas élue et ne changera pas le destin de la France ; même s’ils le veulent sans ambiguïtés ; d’autres ont énoncé leurs idées, pensées, leurs avis, leurs éditoriaux parfois avec des nuances mais souvent directs et dans un langage cru et pas forcément les leurs.

Et les Franco-Algériens dans tout ça ? Certes, ils constituent une force indéniable mais elle est compartimentée, désunie, fragmentée, parcellaire… Une partie est dans l’enthousiasme, une autre est dans le confort acquis depuis fort longtemps, une autre encore est dans l’agitation craignant les retombées des politiques extrémistes du RN ; cependant, presque toutes sont dans l’appréhension d’une ère qui ne sera pas forcément lucide.

Chacun a ses réponses ou des réponses. Les unes plus vraisemblables que les autres et comme dit l’adage : «Chacun voit l’heure à son horloge.»

Ferid Racim Chikhi

9 juin 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 379 -

 L’émotion vient avant la raison

Lorsque les auteurs écrivent ils ont auparavant longuement réfléchi.

Lorsque les auteurs écrivent ils puisent en eux le bon et le mauvais et ils l'expriment par écrit.

Lorsqu’un individu s’exprime tout dépend de sa culture d’origine. S’il vient d’une culture d’oralité souvent l’émotion précède ce qu’il dit et lorsqu’il est issu d’une culture de l’écrit souvent la raison précède l’expression de sa pensée.

Un jour un de mes prof d'arabe au lycée m'avait expliqué qu'entre l'écriture en français et celle en arabe la pensée ne suit pas les mêmes les pistes, les mêmes chemins, les mêmes voies par lesquelles elle éclot ; elle le fait en choisissant deux outils d'expression soit l'écrit soit la parole. Le cheminement le plus incertain c’est lorsque la même personne a une langue maternelle

différente de l’arabe ou le français, dans notre cas c’est Tamazight (Chaoui, Kabyle, Cheliht, Targui, Mzabi…). Ce qui se passe à ce moment précis c’est que la traduction instantanée se fait sans que le locuteur ne le sache. Le résultat c’est que ce qui est dit diffère de ce qui est perçu ou compris.

Alors, essayons de suivre ce qui est insulté et ciblé par des individus dont le niveau de connaissance et de savoir est insignifiant. Ne dit-on pas que celui qui insulte est dans l’émotion et ce n’est que plus tard qu’il l’apprend à ses dépens.

L’auteur stigmatisé par cette chaine d’incultes qui se sentent de leur côté insultés par ses propos sont piégés dans une manipulation sordide par quelques idiots utiles qui opposent leur Kabylité obtuse à l’Algérianité des autres qu’ils qualifient d’Arabes et d’Islamistes. Or, entre ce qu’écrit cet auteur prolifique et qui a fait le tour du monde et ce qu’il dit dans un contexte déterminé et limité dans l’espace et dans le temps est scruté à la loupe et sort de l’ordinaire.

Ça me rappelle d’éminents auteurs Algériens nommés Mohammed Arkoun, Rachid Boudjedra, Tahar Ouettar que les uns aiment et que d’autres détestent mais qui restent les meilleurs fils de l’Algérie.

Ferid Racim Chikhi

08 juin 2024


4 avr. 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 378

 Pour un Québec émancipé et indépendant !

La société des Québécois et les Sociétés d’immigrants !?

Depuis quelques mois, les discussions vont bon train pour un Québec indépendant. Elles sont par moment déconcertantes et parfois surprenantes. Pourtant, selon bien des observateurs, les auteurs de ces échanges, notamment parmi les indépendantistes tenaces et les communautés ethnoculturelles, rares sont ceux qui abordent le type d’institutions du futur Québec ; il n’est jamais question des personnes qui seront concernées par les textes législatifs ; d’aucun ne parle point de la question du syndrome Parizeau . Par ailleurs au sein du Parti Québécois il existe selon les publications accessibles au public deux co-porte-paroles issus de la diversité, alors une question de bon sens se pose : pourquoi deux et pas un ou trois ou encore un par communauté ? Et, pourquoi un porte-parole de la diversité ? Ci-après, une opinion succincte et des questionnements pour un Québec intégrateur et pluriethnique et un projet de société. Quelques pistes de réflexion aideraient à aborder les différentes questions.

Déconcertant et surprenant

Lorsque le 4 septembre 2012, La Première du Québec a été ciblée par un attentat politique terroriste au Métropolis, la tendance était à la banalisation du crime et à la censure de l’information afin que cela ne fasse pas tache d’huile et cela se passait au Canada, plus précisément au Québec. Ce silence imposé pourrait avoir encouragé l’auteur de la menace qui a visée Paul St Pierre Plamondon, élu à l’Assemblée nationale du Québec et chef du parti Québécois. Cependant, signe des temps, plus personne n’en parle!

Comme tout le monde, souvent interpelé par les attentats terroristes il m’arrive de réfléchir et d’analyser apostériori ces évènements. Je sais que des attentats arrivent tous les jours aux USA et ailleurs dans des pays ciblés par les manipulateurs de l’ombre, mais jamais en cette terre d’accueil de milliers d’immigrants constitués de résidents permanents, de réfugiés et de demandeurs d’asile ayant fui leurs pays d’origine traversés par des coups d’État, des guerres, les corruptions multiformes, etc... Quand je chemine le long de mes examens de conscience et que j’estime être en désaccord avec une personne donnée c’est dans un cadre de références bien structurées que nous mettons à plat nos divergences avec un objectif, celui de trouver des axes de convergences.

Durant mes réflexions j’imagine que la menace pour dissuader une personne de ne plus s’exprimer n’existe pas au Québec, un pays démocratique avec un État de droit et les libertés consacrées, malgré quelques insuffisances, par la charte des droits et des libertés... Il est vrai que parmi nous il en existe qui savent qu’une charte des droits et des libertés avec une constitution qui n’a pas été signée par les élus du peuple Québécois n’est pas en adéquation avec les aspirations du peuple, même si elle reste la loi. 

Parfois, je me demande ce que vaudraient cette charte et les autres textes de lois que le Fédéral peut remettre en question par ses juges et des textes d’applications qui changent au gré du temps et des gouvernements successifs depuis les années ‘’80’’, si cela se passait dans notre pays devenu indépendant ?

Quelles institutions voudrions-nous avoir ?

Et si, le citoyen Québécois, convient de son avenir en optant pour un Québec indépendant ? Le droit lui appartiendrait aussi d’opter pour une fédération comme les autres pays d’Amérique du Nord ou pour une République pour se différencier des deux autres voisins continentaux. 

Dans sa plateforme de projet national le Parti Québécois évoque une seule fois l’option républicaine. Il n’est nulle part question du projet de société qui la sous-tend. Il n’y a aucune mention du découpage territorial et de l’organisation institutionnelle d’un Québec indépendant. À mon avis ce projet ne saurait être le point d’initiation d’un projet de société qui convient aux ambitions des Québécois et à celles de ses communautés aussi diversifiées qu’elles le sont en ce moment. Il y a certes les grandes lignes de ce qui sera fait en matière de langue, d’éducation, d’écologie, etc. … mais les grands axes d’un vrai projet de société sont absents comme le sont les textes fondateurs du Québec indépendant. Je tiens à souligner que les autres organisations qui se qualifient d’indépendantistes ne font pas mieux.

Qui sont concernés par ces textes

En ce qui concerne la future citoyenneté, dont personne ne parle, malgré une entité en charge au Parti Québécois, tous les textes conçus et publiés n’évoquent que très peu les immigrants. Parfois, il est question de ceux qui sont au Québec depuis plusieurs décennies mais ce sont surtout ceux venus d’Europe dont il est question. Presque jamais ceux qui viennent d’Afrique, d‘Asie, des Caraïbes, du Moyen Orient ou d’Afrique du Nord. Les textes et la documentation politiques s’adressent tous aux Québécois de souche…

Le Syndrome Parizeau 

De ma culture d’origine, j’ai appris à ne jamais évoquer ceux qui sont partis. Mais leurs idées, bonnes ou mauvaises, leurs pensées, leur appartenance et leur posture politique peuvent faire l’objet d’avis, de commentaires, de discussions et des éclaircissements afin d’éviter les interprétations souvent tendancieuses. 

À titre indicatif, j’ai vu, par exemple, le Bloc Québécois (je sais ce n’est pas le PQ) réunir des nouveaux arrivants de quelques communautés ethniques, j’ai applaudi. Toutefois, parmi ces personnes présentes quelques-unes m’ont dit, explicitement : c’est toujours la même chose, ils réunissent quelques personnes. Ça dure quelques minutes et ils en font une tartine… ce sont des images qui frappent mais elles sont vites oubliées. 

C’est là, que le fameux énoncé de Parizeau intervient. Il a dit vrai en ciblant ‘’… des communautés …’’. Or, les communautés en 1995 ne sont pas celles de 2020 ; à cette époque, elles étaient presque toutes d’origine européenne et venaient parfois des États-Unis, exception faite des boat people Vietnamiens ou ceux venus du Chili. mais dans l'esprit de tous ce sont toutes les communautés d’immigrants y compris celles arrivées depuis les années ‘’00’’ qui étaient concernées et les adversaires jouent sur la nuance.  C'est pour cela que je parle du Syndrome Parizeau. Aujourd'hui presque tous les immigrants pensent que le PQ ne veut pas d’eux, entre autres à cause de cette tirade et la manière dont elle avait été traitée  par les adversaires et certains influenceurs, y compris au sein du PQ. À cela vient s’ajouter la période des accommodements raisonnables qui a mis de l’avant les partisans et a cacher les pourfendeurs de l’ombre. Alors, je me suis demandé, depuis sa désignation à la chefferie du Parti Québécois, Paul Saint Pierre Plamondon, a-t-il une seule fois accueilli des nouveaux arrivants ? A-t-il une seule fois réuni des immigrants, même choisis pour échanger avec eux ?

Dans les faits, si hier le Parti Québécois s’est concerté avec quelques communautés, l’a-t-il fait depuis la dernière décennie ? De nos jours il y a quelques groupes avec lesquels des membres s’affichent mais ce n'est pas généralisé et mis à part quelques personnes qui apparaissent plus comme des ''alibis'', elles sont ainsi perçues de l'extérieur de l’organisation alors que la diversité est représentée par deux Co-porte-paroles très loin des autres.

Et pourquoi deux porte-paroles issus de la diversité au PQ ?

Comme au Parti Québécois (il existe les Québécois et les autres, les immigrants), il existe aussi pour la diversité deux Co-porte-paroles. A Montréal, je croise tous les jours le chemin de deux sociétés éloignées l’une de l’autre : La société Québécoise et la Société des immigrants. En raison du multiculturalisme qui non seulement ostracise ces derniers mais les éloigne de la société d’accueil et sépare les communautés les unes des autres. Le pire c’est lorsque des bien-pensants, individus et partisans, évoquent l’inclusion, ignorant que l’étymologie du concept est latine - inclusio (enfermement) - s’agissant de compromission, d’emprisonnement, de réclusion … et le pire, c’est que tous ceux qui s’occupent de la diversité sont des immigrants, à qui aucune chance n’est donnée pour s’impliquer autrement.

Pour un Québec intégrateur et pluriethnique :

Pour ma part, c’est dans la perspective d’une intégration intensive que :

J’applaudirais si une Déclaration ayant pour Objectifs l’Indépendance du Québec et pour disposition la concrétisation d’une République Sociale-Démocrate venait à être conçue et vulgarisée;

 J’applaudirais le jour où je verrai un Projet de Société regroupant tous les grands agrégats d’un rassemblement des Québécois de quelques origines que ce soit;

J’applaudirais le jour où je verrai une véritable définition de ce que sera le citoyen Québécois dans une république Québécoise.

J’applaudirais le jour où je verrai la mise en œuvre d’un Plan de Communication s’adressant à toute la population (comprenant celle qui est d’une autre obédience politique, etc…).

Projet de société du Québec 

En fait la question à laquelle nous revenons systématiquement est la suivante : Veut-on faire du Québec une fédération ou veut-on en faire une république ? Une république de citoyens qui parle plus aux immigrants ou une fédération de sujets qui les laissera de pierre. Pourquoi une république et pas une fédération ? Parce que pour motiver, sensibiliser et mobiliser les immigrants à faire partie du projet de société à venir, les concepts politiques doivent leur parler. Les mots ont leur importance disent les anthropologues, les linguistes, les sociologues, etc… Alors, tant que le parti Québécois, tant que ses membres, tant que les indépendantistes n’ajustent pas leur langage pour parler aux immigrants … j’imagine l’éloignement de ces derniers du projet indépendantiste.

Le Québec que j'ai en tête

En fait, un Québec moderne devrait être édifier autour de quelques paramètres qui ne sauraient occulter les suivants : ainsi le Québec que j’ai en tête

1. C’est celui des héritiers des révolutionnaires tranquilles qui ont tracé le chemin vers l’indépendance, malgré une adversité significative et persistante depuis plus d’un demi-siècle;

2. C’est celui des agriculteurs qui produisent de quoi alimenter non seulement les Québécois mais aussi une partie de l'Amérique du Nord;

3.C’est celui des bâtisseurs qui ont édifié l’industrie et le commerce du Québec moderne;

4. C’est celui des chercheurs des universités et des intellectuels qui accompagnent le citoyen dans sa quête d’un bien être toujours renouvelé; 

5. C’est celui des femmes qui ont rejoint le monde du travail et qui ont transformé une société religieuse en une autre moderne, de développement et de progrès...!

6.C’est celui de ces enfants de deuxième, troisième, quatrième générations et leurs héritiers intégrés à une société ouverte pour faire une place à tous.

Le Parti Québécois doit sortir de sa bulle

Mon questionnement vient de ce que j'entends et vois sur le terrain avec les communautés ethniques et je n'en reviens pas de l'éloignement du Parti Québécois de ces ‘’sociétés immigrantes’’. Je dis bien sociétés immigrantes parce qu’elles sont coupées de la société d'accueil. À mon avis le Parti Québécois pourrait créer l'évènement à condition qu'il se départisse du syndrome de Jacques Parizeau, qu’il sorte de sa bulle et qu'il initie une véritable politique d'intégration des immigrants. Il doit changer la donne pour que les immigrants se rapprochent de lui et éviter que même s'ils sont indépendantistes dans l'âme beaucoup d’entre eux se soient éloignés de lui.

Ferid Racim Chikhi


9 mars 2024

Un Numide en Amérique du Nord - 377

Le Revenant : la société kabyle du temps des Ottomans et des Espagnols

village Kabylie
Un village de Kabylie. D. R.

Par Ferid Racim Chikhi – Le 27 janvier dernier, Mahfoudh Messaoudene a présenté son ouvrage Le Revenant, un roman qui, dès les premières pages, vous tient en haleine. La quarantaine de personnes présentes ont bien communié avec l’auteur mais il faut reconnaître que la salle était trop exiguë pour une telle présentation. L’animation de la rencontre s’est déroulée sous la direction du philosophe Ali Kaidi.

Yidhir, à la quête de son héritage et de son foyer…

Le Revenant, c’est l’histoire d’Yidhir, un homme ayant vécu en Kabylie au XVIe siècle et qui s’en est allé faire la guerre pour le compte des Ottomans contre les Espagnols afin de libérer Bougie. Il vient de Tighilt, un village de montagne comme on en trouve en Kabylie.

C’est une histoire imaginée se déroulant à une époque bien réelle avec des périodes se situant au milieu du XVIe siècle et mettant aux prises les Turcs, les Espagnols et les Algériens (Kabyles, Algérois, etc.).

C’est une introspection d’une partie de la société kabyle, encadrée par des coutumes, des références aux anciens, des traditions et, par conséquent, souvent ancestrales mais fortement imprégnées de nouveautés religieuses (des dogmes, des règles associés aux usages et aux rituels …) vite dépassées parce que des situations nouvelles surviennent avec le temps et les changements que connaît le monde et que la Kabylie ne peut éviter.

Ce qui est prenant dans ce roman, ce sont les dépassements des uns et des autres, soit en raison de traditions codifiant la vie de tous les jours, soit parce que le patriarcat est prégnant. Le cas de l’héritage qui a été résolu dans bien des situations par l’indivision pour ne pas déshériter la femme fait que dans d’autres conjonctures et d’autres lieux, une coutume qui s’impose au détriment du bien-être et sans tenir compte de l’apport de l’homme et de la femme à un moment ou à un autre de leur vie a des répercussions qui vont au-delà des sentiments. En tout état de cause, l’avis de la femme, sa place dans la société kabyle sont souvent ignorés parce que les habitudes et les pratiques coutumières, celles de la famille ou celles du village sont plus fortes, ce qui donne encore plus de poids au respect de la cohésion sociétale. Mais la femme kabyle reste un pilier de la société dans son ensemble et le fondement gardien des valeurs pour les générations futures.

Le profil comportemental du Kabyle et consensus sociétal

Dans ce roman, Mahfoudh Messaoudene fait le portrait du Kabyle, en surlignant ses défauts et ses qualités, ses caractéristiques et ses valeurs dessinées par la communauté et le patriarcat. Dans cette grande communauté comme bien d’autres ailleurs en Algérie, la majorité n’est pas la référence. Ce qui est la référence, c’est le consensus. Il en est de même pour les valeurs, le respect, notamment, des conventions prime, qu’elles soient traditionnelles ou coutumières ; c’est aussi, comme ailleurs en Algérie, le respect de l’aîné et des autres patriarches au sein de la famille, envers les aînés et, bien entendu, celui qui est dû à la femme mais dans un cadre de références bien ficelé. Deux autres valeurs encadrent les faits du jour, celle du partage et de la solidarité au sein de la famille de la communauté du village et de l’environnement en général, toujours sous le leadership des patriarches

Chacun fait preuve d’engagement envers les siens, les proches, le voisinage… même lorsque la personne ne va pas dans le sens des conventions. Son avis est respecté, on ne dit pas de mal de lui et on le laisse faire mais, de l’autre côté, la recherche du consensus est essentielle pour le laisser ou, au contraire, le rejeter.

Parmi les qualités citées par l’auteur, on rencontre le courage, la détermination, l’engagement, la fierté, la passion, la résistance et, surtout, la solidarité. En communauté, nous dit Mahfoudh, le Kabyle est égocentrique, tout est en lui.

Le sens de l’observation chez le Kabyle

Il en fait de même avec ce monde qui entoure les protagonistes du «revenant». Avec pertinence et sans détours, il nous brosse les péripéties de Yidhir et, avec un sens de l’observation vitale, il attire notre attention sur une Espagne où la religion catholique vit ses moments de grande inquisition, faisant du XVIe siècle une époque où la bestialité religieuse chrétienne est innommable, où l’individu, s’il ne se plie pas aux nouvelles mœurs, est méprisé et mis à mort. C’est aussi une époque où revient la foi en s’imprégnant d’amour et de compassion (voir la partie portant sur l’échange des prisonniers).

Ainsi, la grande communauté kabyle est un ensemble de regroupement de personnes unies par les liens du sang et l’environnement où elle s’installe ; elle est décrite avec des mots simples que le commun des mortels peut comprendre mais qui attachera encore plus le lecteur de ce roman pour le terminer d’une traite.

L’apparition de l’islam en Kabylie

Malgré une recherche documentaire très serrée, Mahfoudh Messaoudene, peut-être sans le vouloir, puise dans l’oralité traditionnelle et c’est – ce n’est qu’une hypothèse – pour cela que son roman laisse parfois des zones d’ombre sur des faits d’histoire, des épisodes descriptifs fort intéressants à plusieurs endroits. Par exemple, selon des érudits des Chorafa et des marabouts, l’islam avait, malgré une forte résistance des Kabyles des plaines, pénétré la haute Kabylie par les dou’âa des marabouts et des Soufis de la confrérie Errahamania et ceux venus du Rio de Oro, cela a fortement influencé l’islamisation de la région sans effusion de sang et en octroyant le maintien de ce que la Kahina avait demandé à ses enfants avant sa mise à mort : «Préserver l’identité et la culture de la nation», tout un programme idéologique.

L’islam, à cette période, était fortement influencé par les marabouts ainsi que par les zaouïas. Toutefois, cette influence n’est pas perceptible dans ce roman alors que des tribus entières occupaient l’espace montagneux du Djurdjura. C’est le cas des Aït Betroun, constitués des Aït Yenni, des Aït Ouacif, des Aït Boudrar, des Aït Bou Akkach et des Aït Menguellet, constitués des Aït Menguellet proprement dits, des Akbil, des Aït Attaf, des Aït Bou Youcef, des Aït Messaoud. Ces tribus ont toujours eu une grande influence sur les autres tribus de la région. Il y avait d’autres familles plus puissantes que les At El Kadi mais elles sont à peine effleurées (les Ath Abbes, les Ath Frawcen, les Ath Menguelat…).

Enfin, il faut souligner le fait que, mis à part quelques remarques qui pourraient paraître inappropriées et au-delà de quelques imperfections, c’est un ouvrage à la fois anthropologique, historique, psychologique et sociologique, à lire et à faire lire. 

F. R. C.

Mahfoudh Messaoudene est ingénieur en génie civil, installé au Québec depuis 2003.

Le Revenant, de Mahfoudh Messaoudene, éd. : L’Harmattan 2023 – Lettres Berbères

https://www.algeriepatriotique.com/2024/03/06/le-revenant-la-societe-kabyle-du-temps-des-ottomans-et-des-espagnols/#comments


Un Numide en Amérique du Nord - 381 -

  Les intellectuels Algériens doivent sortir de l’ombre  La personnalité créatrice doit penser et juger par elle-même,  car Le progrès moral...