Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -4-
L’exil et l'appréciation du vécu ...
Pour dépasser le handicap et l’appréhension ou encore la crainte que la simple pensée du risque encouru créait en moi j’ai du me faire violence ou plutôt j’ai prohibé ou mieux encore empêché l’accès de mon esprit, de mon raisonnement, à tout ce qui pouvait contrecarrer la remise en question du cheminement que je m’étais assigné. C’était de l’autocensure que je m’étais infligée. J’ai pour ainsi dire révoqué tout empêchement possible à même de me faire changer d’idée.
Dans les faits j’ai du faire un bilan exhaustif des 50 dernières années et évaluer par anticipation la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Donc, revoir le passé et envisager l’avenir. Deux démarches différentes qui ont, par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou encore mieux un espace qui les sépare et qui les relie. Comme si c’étaient les outils d’un relais … un espace de transition.
Sur un autre registre et selon ma propre compréhension, partir d’un pays est un processus qui s’envisage naturellement parce que l’individu est par essence toujours en mouvement. Sur un tout autre plan et selon les spécialistes de la mobilité internationale des ressources humaines l’arrivée dans un autre pays débute au lieu du départ.
Il existe un autre aspect de la question de l’exil tant de fois défini, évoqué et analysé, c’est celui de l’appréciation du vécu jusqu’à une certaine échéance. Celle de la récapitulation des périodes qu’une personne franchit de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord de son expérience de vie, de son existence. A mon sens, et en ce qui me concerne, revoir et imaginer, à la fois des séquences de mon passé et certaines à venir, est à la fois troublant, déchirant, émouvant et impressionnant.
Le tout en raison des représentations ou des images qui nous confrontent comme une convenance, une affinité de notre raison alors que l’on pense tout savoir de soi. Par exemple, je n’ai jamais pensé au cimetière de Batna, ma ville natale, où sont enterrés quelques dizaines des membres de ma famille : grands parents, grands oncles et tantes, cousins et cousines, neveux et nièces, etc. des amis et des voisins et bien d’autres relations. Y penser au moment d’un départ ce sont des pans entiers d’une grande histoire qui défile devant moi.
Je me rappelle que ce cimetière, comme peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances, il est également fait pour aller se recueillir sur leurs tombes, les jours de fêtes, se les rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition qui persiste seulement pour les plus récents. Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je ne l’ai jamais compris mais c’était une pensée troublante qui a traversé mon esprit.
A suivre
Ferid Chikhi
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