L’Islam est-il vraiment
malade ? -2-
Les rêves qui ne se concrétisent pas deviennent des cauchemars
"L'écriture est supérieure au signe et à la
parole, elle est plus utile ;
Car la plume quoiqu'elle ne parle pas, se fait
entendre des habitants de l'Orient et de l'Occident.
Sans elle, il ne s'établirait parmi les hommes
ni religion ni société "
L'Emir Abd
El-Kader
L’origine du mal et ses effets sur les nouveaux
oracles
L’islam a bien été accommodant et protecteur non
seulement envers ses fidèles mais aussi avec et pour les autres pratiquants des
religions monothéistes. A titre indicatif, souvenons-nous juste de l’Émir Abd
el Kader et des chrétiens de Syrie.
En tant que musulman, comme tous ceux qui sont
de culture musulmane, nous savons que les
préceptes dispensés aux enfants et
aux jeunes, non seulement par l’éducation familiale en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Libye, en Syrie, en Égypte, en Irak,
etc. pour ne parler que d’une partie du monde (dit arabe) mais aussi par leurs
maîtres, leurs enseignants, leurs précepteurs, leurs professeurs, leurs
éducateurs n’ont jamais été ceux introduits depuis (la fin des années 70 et
le début des 80) que l’Arabie Saoudite est devenue un protectorat
des USA et un allié inconditionnel d’Israël.
L’agressivité, la barbarie la colère, le courroux,
la violence et encore moins la bestialité et la cruauté n’ont jamais fait
l’objet de ces apprentissages… La mort ou tout ce qui mène à la mort a de tout
temps été évité; les jeunes musulmans apprennent la sagesse, l’affection, le
respect de l’autre et surtout des plus âgés, des femmes, des enfants et des
plus vulnérables, le partage… (La Zakat = l’aumône). Oui ! Des changements
sont intervenus depuis une quarantaine d’années avec l’introduction
d’enseignements idéologiques qui n’ont rien de commun avec la pratique de
l’Islam… Et, heureusement que de nos jours, l’origine de tels enseignements
n’est plus un secret pour personne.
Dans le même registre, je retiens que ceux
qui, aujourd’hui, agissent pour islamiser, imposer une charia hors contexte, le
Khalifat, etc. n’ont rien de musulmans. Ce ne sont ni des fondamentalistes, ni
des intégristes et encore moins des dogmatiques (groupes d’individus avec
lesquels je ne partage ni les pensées et encore moins les actes)… Ce sont des mercenaires
criminels, primitifs, incultes, agissants
après avoir été formés à la tuerie, au carnage, à l’extermination ; ils
œuvrent pour le compte de forces - pour le moins occultes mais qui commencent à
être débusquées - que les USA et leurs alliés croient contrôler mais qui ne
leur ont jamais été ni soumises ni obéissantes. Les massacres collectifs et
massifs au quotidien qu'il y a eu en Algérie durant les années ‘’90’’ semblent
être une source d’inspiration pour ces tueurs des temps présents... en Syrie, en Irak, au Nigéria,
et peut être bientôt en Inde, etc.
Un autre questionnement me vient à l'esprit et
considérant ce qui se fait et qui est imputé à tous les musulmans sans
distinction. Supposant que le vrai ennemi est Israël, comment se fait-il que ces
individus ne se soient pas rendus à Gaza pour défendre d’abord des musulmans
qui sont soumis au diktat de HAMAS et ensuite libérer la Palestine ?
Pourquoi ces djihadistes n'ont jamais attaqué Israël, y compris hors d'Israël ?
N'est-ce pas là une autre bizarrerie ?
Par ailleurs, celles et ceux parmi les nouveaux
oracles, qui se réveillent de leur long sommeil en criant à la réforme de
l’Islam, sa mise à niveau avec les transformations rapides que connait le monde
occidental, depuis le début de ce millénaire, qu’ils se rassurent, s’ils veut bien l’être, cela est déjà consacré et suit
son cours… L'Islam et les Musulmans n'ont pas attendu leurs prédictions et
autres conseils pour revivifier leur pratique et la mettre au diapason des
temps modernes.
L'Islam, les musulmans et leurs réformateurs
Un grand nombre de penseurs, d’intellectuels, de
chercheurs sont en accord pour considérer que le Coran et les pratiques
musulmanes doivent être relus et réétudiés avec une attention et une
intelligence toute particulière afin de les adapter et baliser leur mise en
œuvre de la meilleure compréhension possible et le pragmatisme les plus
conformes aux interrelations qu'exigent le présent et le futur.
En réalité, ce travail essentiel, l’Ijtihad Fil
Ilm oual Maarifa ou effort dans la science et le savoir, a toujours existé
dans le monde musulman. Des réformateurs ont fait part de leurs réflexions, de
leurs idées et de leurs pensées ; leurs œuvres jalonnent les espaces
temps, territoires et ornent les bibliothèques de l’Europe, accessibles
seulement à quelques érudits. Quelques-unes de ces intelligences musulmanes,
ont réussi avec brio, d’autres ont subi des échecs cuisants, face à des
conservateurs inflexibles, loin d’accepter que leurs privilèges acquis, parfois
de longue date, soient remis en question par des inconnus ou des jeunes
maîtrisant plus des connaissances théoriques que possédant une pratique de vie.
De nos jours, les profils d’une grande partie des
nouveaux penseurs, de ces exégètes et autres intellectuels (anthropologues,
psychiatres, théologiens, sociologues, etc.), faisant preuve d’un Ijtihad
moderne, étudient, analysent, explorent... avec minutie, le Coran, la Sunna,
les Madhaheb (écoles juridiques) ou Fiqh et même les autres religions et leurs
apports, pratiqués dans tous les pays musulmans ; ils ont publié, ils ont
donné des conférences, ils ont parlé aux médias mais ils sont souvent mis à mal
par des fanatiques et des extrémistes ignorants les fondements de l’Islam.
Ces individus profitent de l’illettrisme quasi
généralisé des populations, dans les mosquées, les écoles coraniques et autres
lieux et temps de rassemblement pour réduire au silence toute personne qui
oserait remettre en question leur parole. Ils sont plus considérés, plus suivis
et plus écoutés par des pans entiers des sociétés musulmanes où le patriarcat
pèse plus de son poids coutumier que de la sagesse recommandée par la tradition
musulmane.
Ils s’opposent, ridiculisent et mettent à l’index,
sans aucun ménagements, ces érudits, ces autorités dont la probité
intellectuelle et leurs travaux sont recherchés partout dans le monde
occidental et interdits de séjour dans leur propre pays. Le cas de Feu Mohamed
Arkoun agressé violement en Algérie par El Qaradaoui ; Soheib Bencheikh,
jeune théologien franco algérien, empêché d’exercer son imamat par des idiots
utiles, en sont deux parfaites illustrations. Il en fut de même dans un passé
pas très lointain, et je pense aux exils forcés de Djamel Eddine Al
Afghani… Mohamed Abduh, etc.
De nos jours Ghaleb Bencheikh, Malek Chebel, Rachid
Benzine, Naima Dib ou encore Mohamed
S. Al Ashmawi... sont les plus percutants dans leurs travaux. Ce qui est peut être navrant et déplorable, c'est
que malgré leur intelligence, leurs représentations, leurs façons d’aborder les
problématiques qu’ils mettent de l’avant, quelques-uns de ces nouveaux
penseurs, de ces sommités, non seulement, n’ont pas su et ne savent pas encore
utiliser les moyens et les canaux traditionnels de la communication mais ne
maîtrisent même pas les moyens modernes pour communiquer avec le commun des
mortels.
Peut-être est-ce en raison de leur manque de
pédagogie à l’endroit des populations illettrées ou par manque de mise en
adéquation de leurs rapports avec les individus ou encore par manque de capacité
de vulgarisation ?
Toujours est-il, leurs discours, leurs réflexions,
leurs idées semblent être pensés, conçus et écrits à l’adressent d’autres
intellectuels et érudits qu’à des populations ignorantes et encadrées par des
activistes rétrogrades, passéistes et dans la majorité des cas obscurantistes.
A ce qui précède, s’ajouterait un autre aspect lié à
leurs personnalités. Il est à la fois spécifique et plus imperceptible ;
il s’agit du manque de courage qui habite les visionnaires, les initiateurs, les
précurseurs. Ils se positionnent chacun dans des cases différentes et souvent
sans interrelations, par égocentrisme ou par vanité, qui sait ?
Un
traducteur n'est pas un interprète
N’en demeure pas moins que leurs travaux peuvent
être classifiés comme suit :
1. Il y a ceux qui pensent à
une véritable épuration des versets qui alimentent la primauté de l’homme sur
la femme, ceux qui incitent à la violence et à l’engagement guerrier, ou encore
ceux qui désignent
les non musulmans comme ennemis de l’Islam et par conséquent
ils doivent être mis à mort.
2. Il a ceux qui invitent à
maintenir la situation telle quelle mais en évitant d’enseigner les versets
inadaptés ou inappropriés selon les contextes et les territoires.
3. Il y a ceux qui considèrent
que tout doit être enseigné et il appartient à tout un chacun de distinguer le
bien du mal. La conscience et la raison faisant le tri.
4. Il y a ceux qui invitent à
séparer la religion de la politique en veillant à ce que l'une et l'autre ne se
côtoient pas et que l’enceinte des institutions, en commençant par les lieux du
savoir, soit fermée à la première.
Pour conclure, Je me souviens d'avoir entendu
Socrate dire que l'essentiel n'est pas dans la citation des autres mais dans
l'intelligence de penser par soi-même, alors, trois conseils aux donneurs
de leçons insignifiantes, habitués des salons feutrés de l’Occident. Ils
devraient, en premier lieu, ne plus être tributaires de traducteurs mais de
s’adresser un peu plus aux interprètes. Ensuite, ils gagneraient à se brancher,
non pas à la fibre optique mais à s’ouvrir, ne serait-ce qu’à ceux qu’ils
qualifient sans retenue ‘’d’égorgeurs en veille’.
Enfin, dès lors que leurs apprentissages s’en
ressentiraient et leurs perceptions auraient changé, ils pourraient avoir accès
au chapitre de l’interpellation des musulmans et de leurs intellectuels,
penseurs, observateurs, analystes, etc. afin que ceux-ci envisagent de
désacraliser le Coran. En d’autres termes, au lieu de se fier à des
auteurs en mal de notoriété qui pondent des réflexions, des études et autres
analyses faites, pour certaines, à distance des lieux où la pratique musulmane
est consacrée, Ils gagneraient à ouvrir autrement et un peu plus leurs esprits
obtus !?
Les sociétés musulmanes dans leurs grandes diversités, partout dans le monde, mais aussi et surtout
les sociétés de culture arabe, grâce aux idées d’authentiques intellectuels et
penseurs travaillent depuis longtemps à changer la donne.
Ferid Chikhi