Algérie 53 ans après
Moi, mes souliers racontent
Soyons fiers de nos réalisations -1-
C’est là, encore une fois, que mes souliers
m’interpellent. Oui, ces souliers que j’ai portés longtemps et qui m’ont mené
d’une place à une autre, d’un chemin à un autre, d’une route à une autre… sur
les chemins qui montent et ceux qui rejoignent les vallées, par monts et par
vaux. Ces souliers qui m’ont promené sur les dunes de sable chaud et préservés
de la brûlure du soleil ce maître du jour dans le désert du Sahara.
Ces souliers qui m’ont aussi conduit dans des impasses
d’où il fallait sortir, souvent en reculant, mais parfois, le chemin me
semblait tellement long et interminable que je perdais espoir de m’arrêter. Il
fallait pourtant continuer et avancer, toujours avancer, en regardant à l’avant
et sans perdre de vue la distance parcourue, les repères fixes que j’ai pu
mémoriser et ceux qui restent comme une image confuse, variable et juste comme
une ombre diffuse…
Au bon milieu de ce mois de mars 2015, une de mes
relations écrivait sur sa page Facebook : Aujourd’hui, on essaye par le Net
de recoloniser les Algériens à travers toutes ces cartes postales et anciennes
vidéos parlant d’Alger, Oran et d'autres villes ; pour leur signifier qu'avant
1962 c'était très beau ! Ce qu'on oublie de dire aux Algériens c'est
que des quartiers entiers étaient interdits "aux Arabes et aux
chiens" Idem, pour certains peintres et écrivains algériens qui
font du néo-orientalisme ... et jouent le rôle de l'indigène complexé. Il y a
un vrai déficit en images et en textes, produits sur nous-mêmes, que ce soit à
travers les institutions officielles où médias locaux, blogs, sites, Facebook,
etc.
Plusieurs amis participent aux échanges en soulignant
le bon, le moins bon et le pire… J’y ai aussi contribué en soulignant entre
autres que nous devons être fiers de ce que nous avons réalisé tout au long de
ce demi-siècle. Ce que les algériens ont accompli alors que le colonialisme
était parti, en laissant derrière lui, comme tous les indus occupants, une
dévastation innommable perpétrée en toute impunité pendant 132 ans. C’était le
point d’initiation d’une nouvelle page d’Histoire de cette Algérie moderne et
future.
Les quelques mots qui suivent, je l’ai dit et je le
reconnais, sont écrits sous l’impulsion de la colère. Alors, mes amis (surtout
celles et ceux qui me connaissent directement) soyez indulgents avec leur
portée.
Je vais débuter par trois constats avant de poursuivre
et proposer quelques éléments de réponses.
En cette période de décryptage difficile des incertitudes
multiformes, non seulement, locale, régionale mais aussi internationale, pour
beaucoup - si ce n’est pour tous - d’Algériens, l'Algérie est gangrénée par la
mafia (politicofinancière) la corruption est devenue une institution, l'ère du
''régionalisme'' a laissé place à celles du clientélisme et des réseaux
d'affaires illicites, composés, non seulement, d'Algériens entre-eux, mais
aussi par l'apport néfaste et nuisible de lobbies internationaux qui veulent
s'enrichir aux dépens des nationaux…
Chacun peut se rappeler et écrire…
Pour celles et ceux qui s’en rappellent lorsque la
France coloniale a plié bagages, qu’a-t-elle laissé derrière elle ? Du bâti,
des institutions désuètes et une administration créées par les colons pour les
colons et prévues pour perdurer et seulement pour perpétuer le colonialisme.
Des petits ateliers de réparation et quelques entreprises de moyenne envergure.
Des routes, disent certains, des ponts disent d’autres, des hôpitaux
surenchérissent les autres, etc. etc.
Mais cela a été fait avec la sueur du front et le sang de nos aînés nous
étions des indigènes et toutes ces constructions n'étaient pas pour nous… n’en
déplaisent aux nostalgériques.
Par conséquent, j’ai suggéré que, pendant un laps de
temps, nous arrêtions de dénigrer et d’être un tant soit peu critique tout en
soulignant au moins les quelques aspects positifs d’une société Algérienne qui
a franchi des étapes nulle part ailleurs égalées :
1. L’occupation, des bureaux et autres locaux de
l’administration coloniale, par les plus instruits (quelques certifiés de
l’enseignement primaire, des brevetés et des bacheliers de l’enseignement secondaire
de l’époque) - à partir de septembre 1962 - a permis de créer le préalable à
une administration algérienne qui s’est raffermie au fil du temps malgré des
dysfonctionnements importants.
2. Nonobstant toutes les insuffisances engendrées
par leur méconnaissance ou leur peu de savoir-faire, le défi a été relevé par
la poursuite de la conception, la consolidation et l’affermissement de
procédures de travail nouvelles.
3. Les écoles, les lycées, les universités ont
accueilli et formé des millions de jeunes (dont nous faisons partie) qui
n’auraient jamais espéré ou imaginé un instant qu’ils feraient un parcours
comme celui que nous avons réalisé…
4. Les embryons de petits ateliers que d’aucuns
osent comparer avec ignominie a des petites industries … laissés par les colons
français ont été ‘’pris en main’’ par une main-d’œuvre d’origine
paysanne, comme nous l’étions tous, quelques apprentis-ouvriers et quelques
rares ouvriers spécialisés.
De nos jours ce sont des milliers de techniciens et
d’ingénieurs, de juristes, d’économistes, de gestionnaires, etc. qui œuvrent
pour la pérennité de plusieurs industries dans des champs d’activités
multidimensionnelles (Écoles, lycées, Universités, Instituts de formation
professionnelles Hydrocarbures, Sidérurgie, Métallurgie, Ports et Aéroports,
Industries alimentaires, Transports ferroviaire, routiers, aériens, etc.).
Chacun peut se rappeler et écrire, ne serait-ce que,
ce qu’il a fait depuis la fin de ses études payés par l’Algérie, en plus des
œuvres sociales (Bourses, chambres universitaires, restaurants, transports…). Nous,
qui sommes là à commenter le post de mon ami, et tous les autres
demandons-nous, chacun pour soi : N’ai-je pas réalisé des missions de
travail et atteint des objectifs qui m’ont été assignés par la direction, par
le ministère de tutelle et celui du Plan ?
Je refuse de penser un seul instant, que mes études à
l’école primaire, au lycée, à l’université et à l’INPED ont été inutiles. Je
refuse d’imaginer un seul instant que ma carrière dans l’administration, les
ports, la sidérurgie, les transports aériens, l’Institut Supérieur de Gestion
et de Planification (ISGP)… a été inutile ou sans résultats pertinents. Je
refuse de penser, un seul instant, que mes activités de loisirs aient été
nulles et sans apports...
À suivre
Ferid Chikhi