Pour un retour sur des visions et des vécus
Tout ce que nous
possédons aujourd’hui, nous le perdons un jour
Y a-t-il de l’espoir dans notre monde en
bouleversement ? Répondre à cette question aussi abruptement qu’un éclair dans
le ciel n’aide pas à la sérénité. Faut-il parler de faits singuliers que les
médias mettent en évidence à un moment ou à un autre de la vie, au quotidien,
ou d’évènements marquants qui ont un effet direct sur chacun d’entre nous ou
mieux encore de faits qui sont portés à la connaissance de Madame et Monsieur Tout
Le Monde mais selon des angles de vision différents ?
‘’Pense aux saisons - m’avait dit mon grand-oncle Smaîn
- à
l’euphorie du moment et au début de chacune d’entre-elles et ce qu’elles
charrient de bon et de mauvais succède l’incertitude et la frustration. Tout ce
que nous possédons, aujourd’hui, nous le perdons, un jour, surtout lorsqu’on
sait que rien ne perdure et que toute chose porte en son sein ses propres
limites temporelles.’’
Identité et
Personnalité
Ceux qui cherchent à apprendre et à savoir tout au
long de leur existence sont différents
par leur particularité de partisans du
moindre effort, de moutons. Il est une évidence que les impatients n’apprennent
pas et se placent sur les bancs des médiocres et des cancres. Il faut savoir
être tenace car la précipitation mène à des actions intempestives avec des
résultats négatifs. Pour se faire comprendre par autrui il importe de choisir
des mots appropriés, compréhensibles et porteurs du contenu que l’on souhaite
transmettre.
Il est évident que tout réside dans le contenu du
message et la manière dont il est véhiculé. Ce sont parfois des paraboles, des
allusions, des métaphores qu’il faut savoir décrypter. La symbolique étant très
forte c’est avec le temps que l’on apprend le sens des mots et de leur portée
et que l’on finit par se forger une identité et une personnalité.
Je fais le rêve…
Dire que les rêves des plus démunis sont faciles à
combler est certes vrai, surtout que le premier d’entre eux est celui de la
dignité, suivi par celui de la justice ensuite vient celui du bien-être et
enfin la liste se termine par celui de la paix, mais bien d’autres soulignent, à
juste titre, que c’est la liberté qui prime sur tout mais les puissants de ce
monde trouvent que c’est utopique et pour leurs servants cela est inutile.
Un jour Jacques
Grand’ Maison a dit :
Je fais le rêve que partout sur la terre des enfants,
Se lèvent, se dressent et crient résolument,
Arrêtez vos guerres, vous les grands et les puissants,
Arrachez la haine et la revanche de vos cœurs,
Vous tous terroristes et militaires de l’horreur
Qui humiliez, massacrez, tuez tant d'innocents. …
L’individu est par
essence toujours en mouvement.
La récapitulation des périodes qu’une personne franchit
de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord
de son expérience de vie, de son existence est, à mon sens, un moyen ou mieux
encore un procédé privilégié de revoir et d’imaginer, à la fois des séquences
de son passé et d’envisager quelques-unes à venir ; c’est à la fois et d’un
côté, troublant et émouvant et de l’autre côté, impressionnant et singulier
pour ne pas dire prodigieux.
Dans les faits, à la fin des années ‘’90’’, j’avais fait
un bilan exhaustif des 50 dernières années que j’avais vécues. J’ai évalué, par
anticipation, la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Bien
entendu, je n’ai parcouru que les grandes étapes ou encore les évènements privilégiés
et les moments qui m’ont d’une façon ou d’une autre marqué. Toutefois, revoir
le passé et envisager l’avenir constituent deux démarches différentes qui ont,
par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou
ce qui peut être considéré comme un espace qui les sépare et qui les relie.
Comme si c’étaient les outils d’un relais … un espace et un instrument de
transition.
Une pensée
troublante
Je me rappelle par exemple que le cimetière, comme
peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur
dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances, il est également
fait pour aller se recueillir sur leurs tombes, les jours de fêtes, se les
rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition
qui persiste seulement pour les plus récents.
Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je
ne l’ai jamais compris mais c’était
une pensée troublante qui a traversé mon
esprit. Était-ce l’espace où sont réunis tous ces morts et qui par le silence,
parfois dérangé par le vent ou une légère brise, impose son propre silence, sa
paix, sa sérénité ? Je n’ai jamais réfléchi à la question mais depuis le départ
de MA, ce dit silence occupe parfois mon esprit. Pour rester dans cette logique
du départ et de l’arrivée, qui ne ferait pas la distinction entre les
conditions du départ et celles de l’implantation ?
Cependant, dans ma pensée, l’exil, la mort, le vécu,
le renouveau, sont des instants que je ne peux ni prévoir, ni prédire, ni
deviner. Je peux seulement y songer. Lorsqu’on meurt, on ne prend rien avec
soi. Lorsqu’on part, c’est déjà le début du renouveau. Une nouvelle vie
commence à chaque pas que l’on fait vers l’avenir, le futur, l’inconnu.
Certitude, évidence ou simple hypothèse !?
L’exil, l’appréciation
du vécu… et l’autre qui nous habite.
Le premier pas se fait dans un univers dont certaines
caractéristiques nous apaisent et nous confortent parce qu’elles ont des
similitudes avec celles laissées derrière soi. D’autres sont à déchiffrer parce
qu’elles sont nouvelles, différentes, distinctes. Cet univers est en premier
lieu celui de l’environnement social et culturel. Il change au fur et à mesure
que l’on y avance. Il n’est pas le même que celui que l’on a connu.
C’est par lui que débute la rencontre avec l’autre. En
fait, l’autre est un binôme. Le premier, est celui qui veut nous connaître et
apprendre tout de nous. Celui qui veut comprendre l’univers d’où nous venons et
comment nous y avons vécu. De notre côté, nous avons le même besoin, la même
soif de savoir, de découvrir qui il est. Mais, la problématique est complexe
parce qu’une question nous interpelle, comment connaître l’autre si on n’a
aucune idée de sa propre connaissance de soi ? C’est là que débute une
autre aventure. Celle de découvrir qu’il existe en nous un autre individu, une
autre personnalité que nous n’avons jamais cherchée à prospecter, l’autre qui nous habite.
Lorsque débute ce processus on apprend avec souvent un
étonnement non feint et une profonde surprise des aspects de notre identité que
nous n’avons jamais imaginé porter en nous. Cet autre, n’est pas distinct
de soi-même avec des qualités, des défauts, des forces, des faiblesses.
À titre de repère et en ce qui me concerne ma venue au
Québec, au Canada, en Amérique du Nord c’était, au début, traverser l’océan et,
même si ce n’est pas par bateau, ça reste loin. C’est vivre le mythe de la
liberté en terre de liberté. C’est valider que c’est possible parce que cela
existe. Mais confronté aux gens du pays j’ai dû revoir ma copie et me fixer de
nouveaux objectifs parmi lesquels celui de la connaissance de soi a été
primordiale.
C’est aussi faire
le deuil d’un passé … l’emprise de l’âge.
Dès l’arrivée, l’enthousiasme a vite pris le dessus et
ma motivation me survoltait au point de me faire oublier mon demi-siècle de vie
passée ailleurs. Ce n’est que bien plus tard en analysant mon installation que
j’avais compris que ma prise de décision était différente de celles des autres
nouveaux arrivants, différentes des milliers d’exilés et de ceux qui se sont
rendus en Europe ou ailleurs dans le monde.
L’âge, cette emprise qui nous façonne sans que nous ne
puissions faire quoique ce soit,
change toute la perception de ce qui
m’attendait, de ce que j’appréhendais et de ce que je cherchais. Je n’ai pas
mis longtemps pour repérer, distinguer, discerner le cheminement à suivre en
vue d’éviter les méandres inconnus que j’empruntais. Parce qu’il s’agissait de
le faire et non pas de rester en marge. Il fallait pénétrer un monde nouveau
qui malgré des similitudes avec celui de mon passé était différent. Les
conditions étaient difficiles.
Pour m’y adapter j’ai décidé de changer mes paradigmes
en appliquant trois principes qui caractérisent l’espace social de ce pays
d’accueil ; ‘’Faire le deuil d’un passé. Apprendre à mieux me connaître. Me
constituer un réseau de contacts’’. Le tout fondé sur un principe
propre aux Numides : ‘’Bâtir sur du neuf et Toujours partir de
zéro’’. Je l’ai fait et je ne m’en plains pas.
Ferid Chikhi
12 Janvier 2012 mise à jour le 15 décembre 2016