16 déc. 2016

Un Numide en Amérique du Nord - 271 -

Pour un retour sur des visions et des vécus
Tout ce que nous possédons aujourd’hui, nous le perdons un jour
Y a-t-il de l’espoir dans notre monde en bouleversement ? Répondre à cette question aussi abruptement qu’un éclair dans le ciel n’aide pas à la sérénité. Faut-il parler de faits singuliers que les médias mettent en évidence à un moment ou à un autre de la vie, au quotidien, ou d’évènements marquants qui ont un effet direct sur chacun d’entre nous ou mieux encore de faits qui sont portés à la connaissance de Madame et Monsieur Tout Le Monde mais selon des angles de vision différents ?
‘’Pense aux saisons - m’avait dit mon grand-oncle Smaîn - à l’euphorie du moment et au début de chacune d’entre-elles et ce qu’elles charrient de bon et de mauvais succède l’incertitude et la frustration. Tout ce que nous possédons, aujourd’hui, nous le perdons, un jour, surtout lorsqu’on sait que rien ne perdure et que toute chose porte en son sein ses propres limites temporelles.’’
Identité et Personnalité
Ceux qui cherchent à apprendre et à savoir tout au long de leur existence sont différents
par leur particularité de partisans du moindre effort, de moutons. Il est une évidence que les impatients n’apprennent pas et se placent sur les bancs des médiocres et des cancres. Il faut savoir être tenace car la précipitation mène à des actions intempestives avec des résultats négatifs. Pour se faire comprendre par autrui il importe de choisir des mots appropriés, compréhensibles et porteurs du contenu que l’on souhaite transmettre.
Il est évident que tout réside dans le contenu du message et la manière dont il est véhiculé. Ce sont parfois des paraboles, des allusions, des métaphores qu’il faut savoir décrypter. La symbolique étant très forte c’est avec le temps que l’on apprend le sens des mots et de leur portée et que l’on finit par se forger une identité et une personnalité.
Je fais le rêve…
Dire que les rêves des plus démunis sont faciles à combler est certes vrai, surtout que le premier d’entre eux est celui de la dignité, suivi par celui de la justice ensuite vient celui du bien-être et enfin la liste se termine par celui de la paix, mais bien d’autres soulignent, à juste titre, que c’est la liberté qui prime sur tout mais les puissants de ce monde trouvent que c’est utopique et pour leurs servants cela est inutile.
Un jour Jacques Grand’ Maison a dit :
Je fais le rêve que partout sur la terre des enfants,
Se lèvent, se dressent et crient résolument,
Arrêtez vos guerres, vous les grands et les puissants,
Arrachez la haine et la revanche de vos cœurs,
Vous tous terroristes et militaires de l’horreur
Qui humiliez, massacrez, tuez tant d'innocents. …
L’individu est par essence toujours en mouvement.
La récapitulation des périodes qu’une personne franchit de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord de son expérience de vie, de son existence est, à mon sens, un moyen ou mieux encore un procédé privilégié de revoir et d’imaginer, à la fois des séquences de son passé et d’envisager quelques-unes à venir ; c’est à la fois et d’un côté, troublant et émouvant et de l’autre côté, impressionnant et singulier pour ne pas dire prodigieux.
Dans les faits, à la fin des années ‘’90’’, j’avais fait un bilan exhaustif des 50 dernières années que j’avais vécues. J’ai évalué, par anticipation, la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Bien entendu, je n’ai parcouru que les grandes étapes ou encore les évènements privilégiés et les moments qui m’ont d’une façon ou d’une autre marqué. Toutefois, revoir le passé et envisager l’avenir constituent deux démarches différentes qui ont, par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou ce qui peut être considéré comme un espace qui les sépare et qui les relie. Comme si c’étaient les outils d’un relais … un espace et un instrument de transition.
Une pensée troublante
Je me rappelle par exemple que le cimetière, comme peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances, il est également fait pour aller se recueillir sur leurs tombes, les jours de fêtes, se les rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition qui persiste seulement pour les plus récents.
Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je ne l’ai jamais compris mais c’était
une pensée troublante qui a traversé mon esprit. Était-ce l’espace où sont réunis tous ces morts et qui par le silence, parfois dérangé par le vent ou une légère brise, impose son propre silence, sa paix, sa sérénité ? Je n’ai jamais réfléchi à la question mais depuis le départ de MA, ce dit silence occupe parfois mon esprit. Pour rester dans cette logique du départ et de l’arrivée, qui ne ferait pas la distinction entre les conditions du départ et celles de l’implantation ?
Cependant, dans ma pensée, l’exil, la mort, le vécu, le renouveau, sont des instants que je ne peux ni prévoir, ni prédire, ni deviner. Je peux seulement y songer. Lorsqu’on meurt, on ne prend rien avec soi. Lorsqu’on part, c’est déjà le début du renouveau. Une nouvelle vie commence à chaque pas que l’on fait vers l’avenir, le futur, l’inconnu. Certitude, évidence ou simple hypothèse !?
L’exil, l’appréciation du vécu… et l’autre qui nous habite.
 Le premier pas se fait dans un univers dont certaines caractéristiques nous apaisent et nous confortent parce qu’elles ont des similitudes avec celles laissées derrière soi. D’autres sont à déchiffrer parce qu’elles sont nouvelles, différentes, distinctes. Cet univers est en premier lieu celui de l’environnement social et culturel. Il change au fur et à mesure que l’on y avance. Il n’est pas le même que celui que l’on a connu.
C’est par lui que débute la rencontre avec l’autre. En fait, l’autre est un binôme. Le premier, est celui qui veut nous connaître et apprendre tout de nous. Celui qui veut comprendre l’univers d’où nous venons et comment nous y avons vécu. De notre côté, nous avons le même besoin, la même soif de savoir, de découvrir qui il est. Mais, la problématique est complexe parce qu’une question nous interpelle, comment connaître l’autre si on n’a aucune idée de sa propre connaissance de soi ? C’est là que débute une autre aventure. Celle de découvrir qu’il existe en nous un autre individu, une autre personnalité que nous n’avons jamais cherchée à prospecter, l’autre qui nous habite.
Lorsque débute ce processus on apprend avec souvent un étonnement non feint et une profonde surprise des aspects de notre identité que nous n’avons jamais imaginé porter en nous.  Cet autre, n’est pas distinct de soi-même avec des qualités, des défauts, des forces, des faiblesses.
À titre de repère et en ce qui me concerne ma venue au Québec, au Canada, en Amérique du Nord c’était, au début, traverser l’océan et, même si ce n’est pas par bateau, ça reste loin. C’est vivre le mythe de la liberté en terre de liberté. C’est valider que c’est possible parce que cela existe. Mais confronté aux gens du pays j’ai dû revoir ma copie et me fixer de nouveaux objectifs parmi lesquels celui de la connaissance de soi a été primordiale.  
C’est aussi faire le deuil d’un passé … l’emprise de l’âge.
Dès l’arrivée, l’enthousiasme a vite pris le dessus et ma motivation me survoltait au point de me faire oublier mon demi-siècle de vie passée ailleurs. Ce n’est que bien plus tard en analysant mon installation que j’avais compris que ma prise de décision était différente de celles des autres nouveaux arrivants, différentes des milliers d’exilés et de ceux qui se sont rendus en Europe ou ailleurs dans le monde.
L’âge, cette emprise qui nous façonne sans que nous ne puissions faire quoique ce soit,
change toute la perception de ce qui m’attendait, de ce que j’appréhendais et de ce que je cherchais. Je n’ai pas mis longtemps pour repérer, distinguer, discerner le cheminement à suivre en vue d’éviter les méandres inconnus que j’empruntais. Parce qu’il s’agissait de le faire et non pas de rester en marge. Il fallait pénétrer un monde nouveau qui malgré des similitudes avec celui de mon passé était différent. Les conditions étaient difficiles.
Pour m’y adapter j’ai décidé de changer mes paradigmes en appliquant trois principes qui caractérisent l’espace social de ce pays d’accueil ; ‘’Faire le deuil d’un passé. Apprendre à mieux me connaître. Me constituer un réseau de contacts’’. Le tout fondé sur un principe propre aux Numides : ‘’Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro’’. Je l’ai fait et je ne m’en plains pas.
Ferid Chikhi


12 Janvier 2012 mise à jour le 15 décembre 2016

Un Numide en Amérique du Nord - 381 -

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