Le Québec et ses paradoxes : abondance ou pénurie
Depuis plus d’une décennie, le Québec
vit au rythme de quelques paradoxes tout à fait remarquables par leurs effets
sur les stratégies et la cohérence des programmes socioéconomiques du
gouvernement. Depuis plus d'une décennie, le Québec
vit au rythme de quelques paradoxes tout à fait remarquables par leurs effets
sur les stratégies et la cohérence des programmes socioéconomiques du
gouvernement et bien entendu sur toute la société.
Immigration : Une politique à reconfigurer
En fonction de la
conjoncture, quelques-uns sont plus marquants que d'autres et leurs
conséquences sur l'éducation, la santé, l'emploi et l'identité ne sauraient
être ignorées.
Si nous prenons les indicateurs de
l'emploi, consentons aux opérateurs autant qu'aux politiques, le fait qu'ils
soulignent la pénurie de plus en plus aigüe de la main-d'œuvre qualifiée et les
caractéristiques de ce phénomène ont été observées et analysées par des
économistes, des spécialistes des ressources humaines, des gestionnaires et
d'autres chercheurs, mais personne ne parle des causes de l'abondance des
emplois.
Depuis la fin des années 90 et le
début des années 2000, la politique d'immigration, conçue pour combler les
déficits anticipés de cette main d'œuvre et son lien avec la démographie, il
est admis qu'elle ne répond plus aux attentes initiales malgré des ajustements
structurels réalisés ici et là.
Selon des analystes sérieux, une des
causes se situe en amont du processus de sélection. En effet, malgré le
siphonage outrancier, opéré par les pays européens, du bassin traditionnel de
provenance (Sud de la Méditerranée) désagrégé par des guerres innommables, le
Canada et le Québec poursuivent leurs propres sélections sans, nous
semble-t-il, les adaptations nécessaires et suffisantes des critères, alors que
ce même bassin est devenu à risque pour les identités originelles.
Ce qui est paradoxal, c'est que les
changements de l'appellation du Ministère (MICC devenu MIDI) et celle du
titulaire s'apparentent à du bricolage rudimentaire, d'autant plus que les
politiques ne plus sont en adéquation avec les attentes du monde du travail.
Injections
financières
Récemment, deux segments financier et
budgétaire ont été mis de l'avant. Le premier par le gouvernement du Québec
investit massivement, pas moins de 1,5 milliard $, dans le virage numérique.
L'objectif essentiel étant le développement des régions grâce au déploiement de
la fibre optique avec en prime la création d'emplois. Même s'il ne stoppera pas
la critique envers plusieurs autres dossiers problématiques en raison de leur
impact sur la vulnérabilité des citoyens (Éducation - Santé – Culture - Identité...)
ce programme ne peut être ignoré.
Le second est à l'actif du
gouvernement fédéral qui « offre » 11 milliards 700 cents
millions $ dans le cadre de la péréquation. Une bouffée d'oxygène « toxique
», disent des indépendantistes qui rappellent « on nous redonne d'une main ce qui
a été pris de l'autre ». Malgré ces apports importants, les
problématiques en éducation, santé, identité et immigration, clignotent
intensément. Une question élémentaire me vient à l'esprit, si le bien-être de
la société faisait partie des intentions du gouvernement libéral et sachant que
cet apport était prévu pour 2018, pourquoi il s'est obstiné à procéder à des
coupures aussi handicapantes pour les organismes sociaux ?
Comment
concilier les besoins des citoyens et les programmes du gouvernement ?
Les liens de cause à effets sont
pourtant palpables notamment sur les quatre segments cités plus haut :
Éducation, santé, emploi et identité. L'éducation a besoin d'un véritable « assainissement
» de ses programmes avec une mise à niveau qui la propulserait sur le
seuil du 21e siècle. Ils présentent des inadéquations tangibles entre les
perspectives d'une grande partie du monde du travail et les profils des
finissants.
La santé qualifiée de département
parmi les plus vulnérables, devrait répondre aux besoins de la population, mais elle est toujours confronté à des réformes organisationnelles et fonctionnelles
mises en œuvre sans aucune efficacité. À cela s'ajoute que le ministre
responsable de ce dossier manque visiblement de tact pour s'attirer l'appui des
organisations professionnelles, sociales et des citoyens. Il reste indélicat
dans sa façon d'imposer ses décisions.
Le dossier de « l'identité » est l'un
des plus chauds de la gouvernance depuis un quart de siècle. L'impact d'une
partie de l'immigration sur bien des valeurs partagées de la société modifie
pleinement son profil et la rend sensible à l'effritement et bien entendu
indispose les Québécois. Les politiques de recrutement des immigrants
présentent de grandes lacunes en matière de critériologie. Ils devraient être
reconsidérés en raison de leur influence sur l'intégration et l'adaptation aux
valeurs de la société d'accueil.
Le gouvernement tente de se
repositionner par rapport à ces deux axes (immigration et identité), mais il
est clair que trop d'erreurs d'appréciation sont accumulées au point où les
changements opérés n'aboutissent pas à une reprise en main du schéma de
performance des véritables enjeux.
Des
constats ignorés
Avant de conclure ces éléments de réflexion
sur les causes de l'abondance et de la pénurie de main-d'œuvre, il importe de
noter deux situations qui sont ignorées des analystes, il s'agit de la mobilité
des ressources humaines d'une organisation à une autre et de la formation de
ces mêmes ressources. Ces deux « aspirations » donnent du fil à
retordre aux gestionnaires qui hésitent à s'y engager. Préférant le statu quo,
et parfois, ils refusent le risque. Ils optent pour l'importation d'une main
d'œuvre « européenne et latino-américaine » avec le soutien financier du
gouvernement.
En fait, tenter d'analyser les causes
de cette mobilité et de ce manque de formation, c'est craindre de qualifier
comme étant inopérantes les politiques de rétention des ressources humaines et
refuser de sortir de la zone de confort offerte par la mise à dispositions de
bassins de main-d'œuvre qualifiée (néolibéralisme oblige) à de bas salaires.
Au-delà, des effets de tous ces
paradoxes et des séquelles qu'ils génèrent, l'austérité imposée depuis 2014
alors que l'apport de la péréquation était planifié, l'investissement dans la
numérisation, le déséquilibre démographique et les risques d'une immigration
mal pensée, il reste que les politiques du gouvernement actuel pèchent par un
manque d'une définition objective des différents processus qui les portent.
Afin d'y remédier et préparer la prochaine décennie, seul un changement majeur
de gouvernement pourrait y remédier.
Ferid Chikhi