L’Algérie et l’Algérien, les BRICS et le reste du monde :
quelques nuances en bref
BRICS ajournement
Dans le propos qui suit je mets en avant, successivement, les analyses et les réflexions sous le coup de l’émotion que les uns et les autres expriment en toute liberté mais qui sont souvent dénuées de fondement, le travail de l’équipe d’experts internationaux qui ont accompagné le cheminement de l’Algérie vers l’ajournement de son adhésion aux BRICS et les critères de leur sélection, ainsi que la problématique de la communication gouvernementale.
L’expression des états d’âme est un handicap
Déception, regrets, amertume, désappointement et bien d’autres qualificatifs ont accueilli le rejet, l’échec, le renvoi et bien d’autres qualificatifs utilisés par les partisans d’une intégration aux BRICS, les pseudo-opposants, les adversaires de la gouvernance actuelle de l’Algérie sans omettre les ennemis… de l’adhésion à cette nouvelle organisation, née en 2011. Les cinq pays que sont la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud et la Russie étaient au début des années 2000 considérés comme ayant une forte croissance en matière d’investissements directs à l’étranger, d’éducation et de création d’entreprises.
Des analyses et des réflexions
sous le coup de l’émotion
L’ajournement dont vient faire l’objet l’Algérie devrait être considéré, non pas comme un frein, mais comme un point de relance et inciter à revoir les paramètres présentés pour, qu’à l’avenir, quel que soit le résultat, cela ne suscite plus autant d’incompréhension et de colère.
Les multiples analyses et autres réflexions énoncées à froid, ici et là, sont soit le fruit de l’émotion due à une remise en question de la certitude que le pays en est un de majestueux, d’imposant ou encore de superbe, alors qu’il est loin de ces qualificatifs, soit le résultat d’un raisonnement sans fondement, faisant appel à des considérations superficielles éloignées de la réalité des indicateurs objectifs qui structurent les niveaux de croissance, comprenant par-là d’amélioration du niveau de vie de l’Algérien.
Sentencieuses sont ces déclarations intempestives énoncées par madame et monsieur Tout-le-monde, sans aucun égard au pays ; cela se fait comme si chacun était présent aux préparatifs tout au long du processus d’adhésion et au sommet lui-même, comme si ce chacun avait participé à l’énoncé des résultats. C’est malheureux mais c’est ce qu’est l’Algérien depuis plus de quatre décennies.
Il est évident que malgré leur incompétence, leur incapacité, leur inaptitude et la bêtise ambiante, quelques-uns se laissent aller à des appréciations négatives, en mélangeant aussi bien les gouvernants que les institutions, sans omettre les procédures mises en œuvre dans de telles opérations d’intégration à des institutions et autres organisations internationales, qu’elles soient sociales, économiques ou politiques. Pourtant, l’Algérie a bien intégré des organisations mondiales qui sont aussi si ce n’est plus exigeantes sur le plan du respect des critères que ceux des BRICS.
L’équipe d’experts : désavouer,
le mode de sélection
Revenons à la politique mise en œuvre par l’Algérie pour rejoindre les BRICS. Les premières observations qui me viennent à l’esprit résident dans le profil des membres de l’équipe qui a eu en charge ce dossier ; le manque de transparence de la part des gouvernants qui n’aident pas à apprécier les compétences des membres de cette équipe en matière d’incorporation à une organisation de pays parmi les plus en vue de la planète : qu’est-ce qui pourrait expliquer objectivement que l’on ait ainsi raté la cible ?
Une autre question se pose et à laquelle devront répondre les gouvernants : sur quelle base ont-ils choisi ces experts et/ou consultants internationaux ? Si le népotisme, la cooptation et les autres modes de sélection usuels des gouvernants d’avant le Hirak ont été déployés, il est normal que l’ouverture de la porte des BRICS se soit subitement restreinte. Bien des analystes, qu’ils soient économistes, journalistes, militants, politologues, etc. développent des explications parfois intéressantes par leur contenu, même s’ils sont en décalage avec la réalité objective. Quelquefois, elles sont fort censées mais sans dérouler une problématique pertinente qui aiderait à redresser la barre.
Quelques-uns affichent leur opposition au gouvernement, d’autres leur malveillance pour ne pas dire leur aversion de l’Algérie. Retenons que c’est bien d’énumérer les quelques forces des pays qui ont été admis aux BRICS mais quelles sont les atouts et les forces de l’Algérie pour renforcer sa candidature et selon quels critères cela s’est fait ? Malheureusement, seules les insuffisances sont mises de l’avant par nos pseudo-experts. Il faut croire que la conclusion est intéressante parce qu’elle est choquante et violente.
Cependant, une analyse en profondeur serait la bienvenue. A titre d’exemple, quel a été le rôle des médias officiels au niveau national ou encore quel a été le rôle des diplomates en poste à l’étranger dans l’accompagnement du processus d’intégration ? Dans une précédente réflexion publiée dans ces mêmes colonnes, j’avais mis de l’avant les dynamiques de la diplomatie algérienne qui tire ses valeurs de l’héritage de la Révolution de novembre 1954 et des formations dispensées par les universités algériennes et en premier lieu l’Ecole nationale d’administration. Dans ce dossier, ces mêmes diplomates ont-ils conçu leur travail selon des critères objectifs et rationnels ? Les commandes de l’équipe en place ont-elles été attribuées aux meilleurs ou l’ont-elles été encore une fois pour répondre à des intérêts sordides ?
Les critères de sélection et la
communication institutionnelle
Il est avéré qu’il existe un autre problème gouvernemental, celui de la communication institutionnelle qui reste nulle, et pas seulement pour ce dossier. Et pour cause, même l’apport du président Tebboune qui a tenté une explication après le report de l’adhésion de l’Algérie n’a pas fait mouche ; jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a rien dit au sujet du processus, des discussions de Johannesburg et après la décision prise, ce qui est interprété par bien des Algériens comme du mépris.
Avant de clore cette réflexion, retenons que les ténors parmi les économistes et la grande famille des élites et des intellectuels algériens sont silencieux au sujet de ce revers, si revers il y a, alors qu’au même moment les subversifs, les spéculateurs de tous bords s’activent pour dénigrer le cheminement suivi par l’Algérie. Enfin, à ce jour, aucune réflexion qui tienne la route n’a été publiée, alors que des experts de l’économie internationale, de la géostratégie, de la mise en valeur de ce que sont les BRICS élargis s’expriment sur ce que cette organisation peut apporter au monde. Que font-ils et qu’attendent-ils pour éclairer le grand public ?
Il reste un signal à donner avant une analyse en profondeur. L’Algérie doit se recentrer sur au moins deux axes pivots : consolider les liens et les relations avec les pays méditerranéens et les pays du Sahel quitte à se lancer dans la création d’une organisation régionale puissante, ensuite valider qu’une véritable opération de gestion des élites est nécessaire et urgente, tant au plan interne qu’au plan international, et surtout en engageant une sortie probante de la «stupidité» de faire appel aux personnels cooptés.
En conclusion
Alors, arrêtons de croire que nous sommes les meilleurs !
Cette réflexion se termine, entre autres, par ce qui suit : au total, 14 pays ont exprimé leur intérêt pour faire partie des BRICS, parmi lesquels : l’Algérie, Bahreïn,
Rappelons-nous aussi qu’un des paramètres parmi les plus importants reste le manque d’introspection profonde de l’Algérien pour chercher en lui les causes de son «indignation profonde et permanente» ; toutes les réflexions sont bonnes et parfois pertinentes mais un peu de retenue ferait un grand bien à la majorité de la population.
Si un jour, chacun se mettait à travailler, peut être pourrions-nous réussir là où d’autres ont déjà réussi. Soyons un tant soit peu réalistes et soulignons que tant que l’école n’est pas sérieusement remodelée et que les charlatans qui l’occupent n’en sont pas chassés, tant que la mosquée forme des ignares qui ne lisent même pas le Livre, tant que les chaînes de télévision populistes mettent de l’avant le footballeur qui use de ses pieds pour se faire une renommée ou le pseudo-imam qui ne connaît rien de l’islam mais poursuit son vagabondage sans être rappelé à l’ordre, ses prêches inconvenants, tant que la justice erre en empêchant la liberté d’expression, tant que la jeunesse ne pense qu’à quitter le pays, gageons que rien de beau n’attend l’Algérie. «Le mal est en nous et les autres nous ont dépassé par la science» (dixit Mohamed Boudiaf). C’est pourquoi l’Algérien doit corriger sa désaffection envers son propre pays et se mettre sérieusement au travail.
F.-R. C.
Analyste sénior, Groupe d’études et de réflexions
Méditerranée Amérique du Nord
Le 30 août 2023