26 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 100 -

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -5-
L’exil c’est aussi faire le deuil d’un passé …
Dans mes différentes perceptions je me suis rendu compte que je faisais la distinction entre l’immigration et l’exil de ceux qui se sont rendus en Europe et de ceux qui viennent en Amérique du Nord. Même si dans leur essence ils sont identiques. Cependant, la distinction que je fais se situe au niveau des conditions de départ et celles de l’implantation. L’environnement social, culturel et politique n'est pas le même. Venir au Québec, au Canada, en Amérique du Nord c’est traverser l’océan et, même si ce n’est pas par bateau, ça reste loin. C’est vivre le mythe de la liberté en terre de liberté. C’est valider que c’est possible parce que cela existe.
Le Québec, c’est immense, c’est aussi grand et même plus vaste que le Sahara. Le temps, la distance, et l’espace ça fait trop de choses à la fois. J’y ai réfléchi plus d’une fois. Une sensation particulière m’envahissait chaque fois que j’y pensais.
J’angoissais et la peur me prenait au ventre. Cela a été suivi par de l’appréhension, de l’inquiétude et parfois le doute m’envahissait. Mais l’enthousiasme a vite pris le dessus et ma motivation me survoltait au point de me faire oublier mon demi-siècle de vie passée ailleurs. Ce n’est que bien plus tard en analysant mon installation que j’avais compris que ma prise de décision était différente de celles des autres nouveaux arrivants, différentes des milliers d’exilés et de ceux qui se sont rendus en Europe.
Si au final, le Québec a été retenu, c’est tout simplement parce que trois conditions majeures étaient réunies. La 1ere  étant la Liberté dans laquelle La Belle Province baigne ainsi que ses citoyens. La 2nd est la sécurité et la protection que chacun ressent dans son vécu de citoyen. La 3ième est à la fois la langue française - même en tant que langue de colonisation* - associée aux valeurs d’égalité. C’est ce qui m’a le plus impressionné lorsque je suis arrivé à Montréal.
Ce, à quoi je m’attendais des mois auparavant, je le regardais et je le voyais. Je l’écoutais et je l’entendais. Je le vivais jour après jour. Tout était dans le mouvement, dans la découverte de choses vraies. Un pays, une province, des gens. En fait, pas seulement des gens mais des citoyens. Des habitudes de vie, des Us & des Coutumes qui ‘’tassent’’ les premières. Ça fonctionne comme pour un ordinateur qu’il faut reformater.
Pour m’intégrer j’ai décidé de changer mes paradigmes en appliquant trois principes québécois. ‘’Faire le deuil d’un passé. Apprendre à mieux me connaître. Me constituer un réseau de contacts’’. Le tout fondé sur un principe propre aux Amazighes : ‘’Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro’’.
Ferid Chikhi
* Avant la colonisation française de l’Algérie la langue première a toujours été le Tamazight et la langue seconde l’Arabe. Pendant 132 ans le Français a été la langue du colonisateur. Après l’indépendance du pays l’Arabe est devenu la langue officielle supplantant le Tamazight et le Français reste cependant la langue de travail mais en voie de diminution

21 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 99 -

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -4-
L’exil et l'appréciation du vécu ...
Pour dépasser le handicap et l’appréhension ou encore la crainte que la simple pensée du risque encouru créait en moi j’ai du me faire violence ou plutôt j’ai prohibé ou mieux encore empêché l’accès de mon esprit, de mon raisonnement, à tout ce qui pouvait contrecarrer la remise en question du cheminement que je m’étais assigné. C’était de l’autocensure que je m’étais infligée. J’ai pour ainsi dire révoqué tout empêchement possible à même de me faire changer d’idée.
Dans les faits j’ai du faire un bilan exhaustif des 50 dernières années et évaluer par anticipation la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Donc, revoir le passé et envisager l’avenir. Deux démarches différentes qui ont, par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou encore mieux un espace qui les sépare et qui les relie. Comme si c’étaient les outils d’un relais … un espace de transition.
Sur un autre registre et selon ma propre compréhension, partir d’un pays est un processus qui s’envisage naturellement parce que l’individu est par essence toujours en mouvement. Sur un tout autre plan et selon les spécialistes de la mobilité internationale des ressources humaines l’arrivée dans un autre pays débute au lieu du départ.
Il existe un autre aspect de la question de l’exil tant de fois défini, évoqué et analysé, c’est celui de l’appréciation du vécu jusqu’à une certaine échéance. Celle de la récapitulation des périodes qu’une personne franchit de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord de son expérience de vie, de son existence. A mon sens, et en ce qui me concerne, revoir et imaginer, à la fois des séquences de mon passé et certaines à venir, est à la fois troublant, déchirant, émouvant et impressionnant.
Le tout en raison des représentations ou des images qui nous confrontent comme une convenance, une affinité de notre raison alors que l’on pense tout savoir de soi. Par exemple, je n’ai jamais pensé au cimetière de Batna, ma ville natale, où sont enterrés quelques dizaines des membres de ma famille : grands parents, grands oncles et tantes, cousins et cousines, neveux et nièces, etc. des amis et des voisins et bien d’autres relations. Y penser au moment d’un départ ce sont des pans entiers d’une grande histoire qui défile devant moi.
Je me rappelle que ce cimetière, comme peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances, il est également fait pour aller se recueillir sur leurs tombes, les jours de fêtes, se les rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition qui persiste seulement pour les plus récents. Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je ne l’ai jamais compris mais c’était une pensée troublante qui a traversé mon esprit.
A suivre
Ferid Chikhi

18 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 98 -

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -3-
L’individu est par essence toujours en mouvement.
Pour dépasser le handicap et l’angoisse que la simple pensée du risque encouru créait en moi j’ai du me faire violence ou plutôt j’ai prohibé ou mieux encore empêché l’accès de mon esprit, de mon raisonnement, à tout ce qui pouvait contrecarrer la remise en question du cheminement que je m’étais assigné. C’était de l’autocensure que je m’étais infligée. J’ai pour ainsi dire révoqué tout empêchement possible à même de me faire changer d’idée.
Dans les faits j’ai du faire un bilan exhaustif des 50 dernières années et évaluer par anticipation la dizaine, un peu plus ou un peu moins, qui me restait à vivre. Donc, revoir le passé et envisager l’avenir. Deux démarches différentes qui ont, par endroit, des similitudes. Elles se complètent mais avec un point d’arrêt ou encore mieux un espace qui les sépare et qui les relie. Comme si c’étaient les outils d’un relais …
Sur un autre registre et selon ma propre compréhension, partir d’un pays est un processus qui s’envisage naturellement parce que l’individu est par essence toujours en mouvement. Sur un tout autre plan et selon les spécialistes de la mobilité internationale des ressources humaines l’arrivée dans un autre pays débute au lieu du départ.
Il existe un autre aspect de la question de l’exil tant de fois défini, évoqué et analysé, c’est celui de l’appréciation du vécu jusqu’à une certaine échéance. Celle de la récapitulation des périodes qu’une personne franchit de la naissance à la date du changement ou encore l’élaboration du tableau bord de son expérience de vie, de son existence. A mon sens, et en ce qui me concerne, revoir et imaginer, à la fois des séquences de mon passé et certaines à venir, est à la fois troublant, déchirant, émouvant et impressionnant.
Le tout en raison des découvertes qui nous sont flanquées au visage comme une injure à notre raison alors que l’on pense tout savoir de soi. Par exemple je n’ai jamais pensé au cimetière de Batna, ma ville natale, où sont enterrés quelques dizaines des membres de ma famille : grands parents, grands oncles et tantes, cousins et cousines, neveux et nièces, etc. des amis et des voisins et bien d’autres relations. Y penser au moment d’un départ ce sont des pans entiers d’une grande histoire qui défile devant moi.
Je me rappelle que ce cimetière, comme peut être tous les cimetières, n’est pas seulement fait pour accompagner à leur dernière demeure les défunts parents ou proches connaissances mais il est fait pour aller se recueillir sur leurs tombes les jours de fêtes, se les rappeler à notre souvenir, revisiter une histoire de vie partagée. Une tradition qui persiste seulement pour les plus récents. Pourquoi le cimetière est-il remonté à la surface ? Je ne l’ai jamais compris mais c’était une pensée troublante qui a traversé mon esprit.
A suivre
Ferid Chikhi

11 mars 2011

Un Numide en Amérique du Nord - 97-

Bâtir sur du neuf et Toujours partir de zéro -2-
La proximité en question se vit au quotidien …
Répondre aux deux précédentes questions c’est ouvrir la porte à des spéculations, à des hypothèses les unes vérifiables les autres le seraient en partie parce que le faire c’est aussi refuser le changement et ne pas se risquer à voir le monde autrement que par la lorgnette de ceux qui veulent imposer le leur, totalement rétrograde, alors que les paradigmes de la vie et de la société sont en perpétuels transformation.
J’ai entendu des proches me traiter de fou. Oui, n’est-ce pas dans notre cas et à notre âge, faire preuve d’inconscience et à la limite de folie ? Mais il y a des conditions et des facteurs qui varient de jour en jour et personne n’en a la maîtrise. Ce sont ces moments de vérité qui vous engagent à aller de l’avant.
Mes deux filles les ont vécus avant nous. Ma femme et moi même les avons guidées dans ce cheminement. Il importe de souligner que la proximité avec nos filles n’a rien à voir ni avec la religion ni avec la culture traditionnelle mais elle relève bien plus de l’amour filial héritage de l’éducation inculquée par nos mères et nos pères. J’ajouterais que ce n’est pas aussi par la formation acquise dans le système scolaire d'une éducation nationale ‘’sinistrée’’ comme l’a qualifiée le défunt Président algérien Mohamed Boudiaf. C'est bien par l’éducation familiale qui forme, qui trace les contours et dessine tant la forme que le fonds de cette relation et le devenir des générations futures. La proximité en question se vit au quotidien.
Je tiens également à souligner qu’en ce qui me concerne quitter un pays c’est aussi laisser derrière soi des habitudes et des usages difficilement renouvelables ailleurs. Ce sont des parfums singuliers qui n’habillent plus l’atmosphère et l’ambiance du milieu de vie. Il y a aussi des sons et des bruits que je n’entends plus, tel que le timbre du pilon qu’utilisent les femmes pour préparer des condiments, ces aromates et ces épices, destinés à donner du goût et des senteurs spécifiques à la chorba, ce potage de tomate, plein de blé dur concassé et parfumé de coriandre ou à un Tajine de pruneaux agrémenté de raisins secs.
Au-delà des handicaps communs qu’il fallait dépasser ; le plus important a été, en ce qui me concerne, l’âge. Choisir de quitter son pays à 50 ans n’est pas en soi une aventure, un simple voyage mais un changement radical dans la vision, la perception ou la compréhension de l’immigration et de la séparation. C’est comme couper une seconde fois le cordon ombilical. C’est aussi une autre compréhension du passé.
À suivre
Ferid Chikhi

Un Numide en Amérique du Nord -380 -

  La France et le RN : des questions presque existentielles ! Demain, la République française sera confrontée à une incertitude que ni le RN...