L’Algérie nouvelle face aux nouveaux enjeux …
Le bolide et la charrette.
“Gouverner ce n’est pas gérer ! Gouverner, c’est prévoir ! ‘’
Dans cette réflexion, sont avancés quelques éléments d’analyse déjà explorés dans deux précédentes publications où sont mises de l’avant des questions sur les effets de la gouvernance actuelle menée par le Président Tebboune depuis son élection. Celle-ci en est une continuité puisqu’il y est question entre-autres de l’organisation et de son fonctionnement ainsi que du profil des agents de l’État ; d’un rappel succinct du passage de l’ère socialiste au libéralisme ; des impacts de ces changements majeurs sur la population ; de ce qui reste à faire en matière de gouvernance et du nouvel élan que l’Algérie et la France souhaitent donner à leurs relations de partenariat.
La diplomatie avance mais la gouvernance interne patine
Donc, dans une précédente contribution sur le réveil et le dynamisme de la diplomatie Algérienne, j’avais souligné que la politique intérieure de l’Algérie semblait être essoufflée, alors que d’habitude, ailleurs, elle est à l’origine de la détermination de la politique étrangère du pays.
https://www.algeriepatriotique.com/2022/06/01/la-politique-exterieure-dun-pays-est-le-reflet-de-sa-politique-interieure/
Dans une autre réflexion au sujet de la communication gouvernementale et de la gestion du capital humain,
https://www.algeriepatriotique.com/2021/09/11/contribution-de-ferid-racim-chikhi-algerie-les-defis-de-la-bonne-gouvernance/
J’avais relevé que l’administration et la justice étaient, parmi d’autres institutions, victimes de fléaux (bureaucratie, clientélisme, corruption, interventionnisme, népotisme passe-droits, etc.) difficiles à annihiler sans un coup de pied dans la
fourmilière. Il est vrai, sans être devin, qu’à chaque période exigeant des ajustements, les gestionnaires sont confrontés à quatre handicaps significatifs : l’un d’entre eux est celui de leurs compétences loin d’être en adéquation avec les exigences des postes qu’ils occupent ; le second est généré par le précèdent puisqu’il bloque la machine administrative au point où apparait cette bureaucratie prégnante et qui enfle à vue d’œil ; le troisième réside dans le manque de justice et d’équité, tant administratives que sociales et le quatrième est celui de la communication institutionnelle sclérosée et souvent obsolète malgré quelques efforts consentis, ici et là. J’ai comparé cette gouvernance domestique ou intérieure à la machine diplomatique, après avoir été étouffée par l’ex-Président, elle est depuis plus de deux années, non seulement performante mais elle pourrait atteindre la vitesse Mach II, avec l’adhésion, en cours de négociation, aux BRICS.
Cependant, l’impression est nette qu’en ce qui concerne la gouvernance en général, il y a comme un schisme entre les affaires internationales et les affaires intérieures. Le succès de la diplomatie n’est pas le reflet de la gouvernance nationale, et pire encore, l’impression est très ressentie tant la première, avance à la vitesse d’un bolide et, la seconde est à la traine comme une charrette. Pas la peine de parler du professionnel qui conduit le premier et du second qui tient les brides de l’âne qui tire la charrette.
Personne n’ignore que le monde vit des changements majeurs et en continu ; les indicateurs ou les éléments de réponse pour prédire cet avenir ne sont pas toujours stables et s’altèrent pour certains ou se consolident pour d’autres. Une récente étude de GERMAN, non publiée, faisait état de ce type de présentation d’une Algérie Africaine, Arabe et Méditerranéenne avec des indicateurs en matière d’organisation des institutions gouvernementales des trois paliers : national, régional et local.
Tout le monde sait que dès le lendemain de l’indépendance et jusqu’en 1979, l’Algérie était d’une part socialiste et tout y était planifié, (plans triennaux,
puis quadriennaux et enfin quinquennaux) et d’autre part, elle s’inscrivait dans un carrefour ouvert sur le monde à la fois arabe, Africain et Méditerranéen. Sur le plan domestique, tous les domaines d’activités ont connu un essor impressionnant et une croissance fulgurante, que ce soit au niveau de la régionalisation du développement, de la démocratisation de l’enseignement, de l’industrialisation et bien entendu tous les autres secteurs n’étaient pas en reste. Chacun a eu sa part de financement même si quelques-uns furent privilégiés de façon presqu’aveugle. Mais, ça fonctionnait. Tels furent les transports, l’industrie légère et le commerce qui multipliait les créneaux d’approvisionnement et de réapprovisionnement malgré un cheminement qui l’avait dérouté de ses objectifs ; les transports ont été le levier de la mobilité non seulement dans les villes mais aussi entre les régions et à l’international par l’aérien, le rail, la route, le maritime sans omettre les transports spéciaux par route et par mer (méthaniers,) etc.
L’agriculture a eu sa révolution avec des bas et des hauts. En revanche, et c’est malheureux de le constater, mis à part quelques transformations générant des vicissitudes ingérables, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur, la formation professionnelle sont restés à la traine sans occulter la culture et les arts qui ont été et sont encore ‘’impérialement’’ ignorés. Fort heureusement, les plus âgés peuvent se souvenir des années 60-70. Le cinéma algérien connaissait une croissance de qualité avec Chronique des années de braise de Lakhdar Hamina (Palme d 'or à Cannes en 1975) ; le Vent des Aurès toujours de Lakhdar Hamina ; l'Opium et le bâton de Rachedi, etc. ou encore les coproduction Algéro-italienne avec ‘’La Bataille d'Alger, de Pontecorvo’’ ; ‘’L'Étranger de Visconti’’ ou encore Algéro-française avec ‘’ Z de Costa Gavras’’ primé à Hollywood et ailleurs, etc. Quant à la santé, heureusement que la population est à 70% très jeune. Mais le plus intéressant aura été la formation des cadres en dépit d’une université qui commençait à dériver en raison d’une arabisation forcenée. Les milliers de diplômés ont été à la hauteur des missions qui leurs étaient confiées et sans la décennie noire, la situation aurait été, peut-être, différente ?!
C’est ainsi que l’Algérie, dont la population est d’environ 45.000.000 habitants, est passée du socialisme à un libéralisme hybride en passant par une économie de bazar malicieusement introduite et entretenue. De nos jours, elle se découvre dans un néolibéralisme indéfini et qui achève une économie en crise depuis au moins deux décennies et ce malgré les mannes pétrolière et gazière hors du commun. Au sein de la population, les plus riches s’enrichissent encore plus et les plus vulnérables sans emplois, s’appauvrissent de plus en plus. La répartition de la richesse semble se fonder sur des mécanismes qui défient les règles en matière d’économie sachant que la productivité est quasiment nulle en dépit des efforts
louables consentis par quelques gouvernants. Dans bien des cas les mauvaises habitudes résistent au décrassage. Le sens du labeur n’a pas été suffisamment cultivé chez les jeunes qui devraient constituer le gros de la main d’œuvre nationale. Si l’on ajoute une allocation chômage offerte en dépit du bon sens … et qui se transforme subitement en bourse de formation professionnelle, ce qui reste fortement appréciable, le capital expérience acquis durant les décennies ‘’70’’ et 80’’ se perd au lieu de se consolider. Toutefois, le plus étonnant reste la dynamique, visible à l’œil nu : la circulation dans les rues des grandes villes. Ce sont ces milliers de véhicules qui roulent du début de la matinée à la fin de la soirée. Les stations d’essence affichent tout le temps complet cependant, aussi paradoxale que cela puisse paraitre, les services de premières lignes des banques, des CCP, etc. ne s’arrêtent pas de leur ouverture à leur fermeture. Dans une telle situation si les sans-emplois se comptent par milliers, l’absentéisme défient toutes les règles de l’OIT. Selon, les autorités de l’État, en ce mois de septembre 2022, l’Algérie se veut en mode gouvernance transparente. Les problématiques liées à l’inflation telles qu’annoncées ailleurs ne semblent pas freiner l’élan impulsé par le Président Tebboune. Les prix du pétrole et du gaz suivent une courbe ascendante même si parfois ils redescendent un tant soit peu. Les effets de la Covid 19 sont jugulés malgré l’aspect psychique qui persiste au sein de la population d’une Algérie traumatisée depuis les années ‘’90’’. La régulation du commerce peine à se stabiliser les prix sans taxes et les industries au ralenti, s’en sortent bien, en dépit du manque de statistiques à même d’anticiper d’éventuelles réussites ou échecs. Néanmoins, la planche à billets fonctionnera encore et l’endettement public croît de plus en plus alors que le secteur bancaire souffre de sclérose et que l’inspection des finances, qui devrait servir de régulateur et empêcher les dépassements, sommeille.
Oui ! La diplomatie algérienne a retrouvé sa place après avoir "touché le fond" a déclaré le Président Tebboune, le 24 septembre dernier, en ouvrant la rencontre gouvernement-walis cependant, cette grande conférence qu’il a introduit n'aurait-elle pas dû être ressort du ministre de l’intérieur ? Si l’autorité de celui-ci n’est pas effective, faudra-t-il attendre la prochaine rencontre pour savoir si les résultats attendus ont été atteints. C’est ce manque d’autorité qui pêche par défaut. Si les agents de l’État n’ont pas de respect pour leur ‘’chef’’ et qu’ils rendent compte seulement au Président, n’y a-t-il pas un dysfonctionnement qu’il faut traiter par anticipation ? Même si le Wali est le représentant du chef de l’État comme l‘est l’ambassadeur, sur le plan fonctionnel ne dépend-il pas directement du ministre de l’intérieur et du premier ministre ? En tout cas, ce sont là quelques questions auxquelles il faudra bien répondre, un jour!
Améliorer le niveau de vie du citoyen passerait, selon le Président Tebboune, par ‘’la protection des responsables et des gestionnaires contre les machinations auxquelles ils pourraient s'exposer dans l'exercice de leurs fonctions. Ils doivent s'affranchir de la peur et faire preuve d'audace dans la prise des décisions, soutenant que "l'État ne saurait avancer sans ses enfants". Alors une question de bon sens est posée : qui sont ces parties qui "sèment la peur dans le cœur des responsables, car elles ne veulent pas de stabilité pour le pays" ? Le citoyen n’a-t-il pas le droit de savoir ?
Il est, une priorité constante des politiques générales du Gouvernement et pour réaliser ce nouveau principe, trois ateliers ont été créés pour réviser les prérogatives des Walis. Celui, étayant le rôle central « du wali dans le processus du développement économique local ». Le second, concerne la manière de propulser l’investissement du développement local ? Le troisième, porte sur la réduction de la « prédominance de la dépense publique » ce qui veut dire en langage clair déterminer la place du privé dans le développement local. Cet atelier s'attellera à « diversifier les ressources de financement des collectivités locales pour assurer leur développement et répondre efficacement aux attentes des citoyens ».
Toutefois, là où la démarche du chef de l’État semble pêcher par défaut, c’est le manque de référence à des procédures réglementaires, et bien entendu, par extension à celles de la vérification, de l’inspection, de l’audit qui sont les seules fonctions à même de réduire les risques encourus par les Walis et les agents de l’État pour leur éviter des dérives, y compris celles d’être soumis à des menaces. Quant à ceux qui continueront de fomenter leurs complots contre l’État leur mise en état de nuire devra être effective et exemplaire. Verra t’on la cour des comptes reprendre un service de tous les temps ? Verra-t-on des contrôleurs du ministère de l’Intérieur sillonner le territoire pour soutenir les gestionnaires locaux ? Etc. Verra-t-on des procédures réglementaires dictant les démarches, les balises et les directions à suivre par les fonctionnaires à tous les niveaux des institutions ? Verra-t-on les dépassements sanctionnés selon ces mêmes procédures ?
Beaucoup soulignent, les changements des procédés de gestion à la Présidence notamment en matière de communication et d’information et particulièrement des fuites administratives. Cette démarche sera-t-elle généralisée à toutes les organisations administratives, sachant que des ‘’cadres’’ de certaines institutions jouent « les super gestionnaires désignés et ‘’impunissables’’ »?
Sur un tout autre plan, l’Algérie et la France ont une histoire commune de plus de deux siècles meublés de peines, de pleurs, de sang, de joies, de ‘’boudage et de crépage de chignon’’; un espace géographique qui les oblige à rester ensemble comme un couple de vieux qui se regardent comme des chiens de faïence ; des relations humaines controversées ; des résistances et des endurances pénibles mais voici, que presque soudainement, après les oppositions c’est le rapprochement. Qui a fait des concessions à l’autre ? Mystère et boule de gomme !
Après le Président Macron qui a dû faire une visite, qui lui a convenu, voici que la Première ministre française, Élisabeth Borne, arrive en Algérie pour une visite de 48 heures, les 9 et 10 octobre 2022. Un des objectifs essentiels de ce déplacement se voudrait être le point de départ du partenariat décidé par les deux Présidents et notamment la relance des liens bilatéraux entre les deux pays. La partie Algérienne a insisté sur la reprise des travaux des comités intergouvernementaux parmi lesquels celui du dialogue stratégique. Un point fort intéressant parce qu’il décrypte le moyen et le long terme. De quoi sera-t-il question ? Des enjeux, des défis, des arrangements et bien entendu de dossiers dont il ne faut pas parler en public … Nous le saurons après le 10 octobre 2022.
Il est cependant, incompréhensible que ni les partis politiques ni les multiples influenceurs et autres animateurs des médias des deux côtés de la Méditerranée n’abordent ces questions qui pourtant constituent les facteurs clés des relations bilatérales entre l’Algérie et la France. Presque tous soulignent les paramètres en lien avec l’Histoire et la Mémoire sachant pertinemment que des consensus sont loin d’être réunis. L’Algérie a besoin de renouveler son parc industriel, réapprendre à mieux gérer et planifier ses activités et le tout au service du citoyen. Ça s’appelle gouverner. Alors, espérons que des pistes seront ouvertes pour une participation mutuellement avantageuse.
Ferid Racim Chikhi
Analyste Senior GERMAN
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Importation de véhicules d’occasion : un paradoxe qui laisse perplexe - Algérie Patriotique (algeriepatriotique.com)