Le Québec : L’indépendance d’un pays et la libération de
ses citoyens -II-
Souvent, pour ne pas dire tout le temps, des évènements conjoncturels mais dont les effets se font sentir, non seulement à long terme mais aussi à très court terme, selon la manière dont ils sont perçus par le commun des mortels, nous interpellent et nous invitent à réagir. Ils sont soit à proximité soit à distance. Ils deviennent des enjeux cruciaux dans le devenir d’un peuple. Lorsqu’ils sont vécus à distance et que nous ne pouvons rien y faire il ne nous reste qu’à les apprécier à froid. Cependant, ils nous invitent à un plus de réflexion.
Par exemple, l’autodétermination, l’indépendance, la libération sont des moments qu’il faut réaliser et vivre pour soi-même et pour les autres. Ce qui se passe au Québec, où je vis depuis plus de quinze, années, m’invite à exprimer mon sentiment le plus profond au sujet de son maintien dans la confédération Canadienne ou son indépendance. Mais la décision ultime dépend avant tout des Québécoises et des Québécois.
Depuis 1995, les Québécoises et les Québécois
ont-ils compris et savent-ils que faire l’indépendance d’un pays ne saurait se
résumer à une bataille à la chefferie, à la désignation d’un leader ou d’un
chef d’un parti aussi prestigieux soit-il et que La chefferie ne saurait être
le moteur de la lutte pour l’indépendance ?
À mon humble avis, dès le départ, la sémantique est
à revoir. Commençons par nous demander qu’est-ce que l’indépendance ? Ensuite,
demandons-nous qu’est-ce que la souveraineté ? Personnellement, je ne
répondrais ni à l’une ni à l’autre des deux interrogations, parce que j’ai vécu
une indépendance et je conçois que celle et celui qui n’ont pas vécu cette
expérience n’exprimerons pas le même sentiment. Par contre j’élimine le concept
de la souveraineté pour une raison toute simple, il fait référence à la
monarchie, et je pense à la Britannique et par opposition elle me fait aussi
penser à la monarchie pontificale.
Faire l’indépendance d’un pays est en soi une œuvre
colossale qui intéresse et concerne autant ses hommes que ses femmes et surtout
si elles et ils mettent de l’avant l’avenir des générations futures. Il est
indéniable que depuis plus de cinquante ans, le Québec a progressé, il s’est
développé et bien entendu les Québécoises et les Québécois ont évolué, mais
est-ce suffisant sans une véritable émancipation collective ? Est-ce suffisant
pour achever le projet d’une véritable indépendance ?
Faire l’indépendance d’un pays c’est, avoir la
conviction que c’est le rassemblement des forces vives de la nation qui saura
venir à bout des divergences pour une lutte de longue haleine. Une lutte pour
des idées citoyenne, une lutte pour une véritable justice sociale, une lutte
pour une répartition équitable des richesses du pays, une lutte pour une
gouvernance qui prend en considération les besoins de toutes et de tous.
Faire l’indépendance d’un pays c’est anticiper que
sur le champ de l’adversité des premiers, des seconds et des militants avérés
et convaincus, sans omettre des citoyens désabusés et frustrés que les chefs
n’ont pas atteint pour parachever le projet et son but final, ne seront
présents pour fêter la consécration finale.
Pour celles et ceux qui le savent déjà - et pour
nous qui venons de loin et qui l’avons vécu - faire l’indépendance a exigé de
nos aînés, celles et ceux qui l’ont réalisée de gros sacrifices, y compris ceux
envers les plus proches et les plus intimes.
En fait, nous qui l’avons vécue, nous l’avons appris
au fur et à mesure que le temps passait et que nous comprenions l’importance de
ces sacrifices et nous en avons pris conscience. Nous avons aussi compris que seuls
les peuples qui ont soif de liberté, ceux qui savent ce que l'aliénation
identitaire veut dire, seuls ces peuples savent puiser dans leurs entrailles la
volonté d'offrir aux générations futures un pays indépendant.
Au plus profond de leurs êtres les Québécois le savent
mais encore une fois, la recherche du consensus légendaire n’y est pas pour se
lancer, à l’unisson, dans cette belle aventure.
Faire l’indépendance, c’est aussi, pour les leaders,
les chefs, les politiques et les militants, énoncer clairement les principes,
les valeurs et les règles qui participeraient de l’atteinte au but final qu’ils
s’assignent et qu’ils souhaitent atteindre comme patriotes prêts à tout
sacrifier pour le recouvrement de l’identité et de la vraie distinction
culturelle.
Faire l’indépendance d’un pays c’est savoir que
vivre libre dans son propre pays est meilleur que de
vivre sous la dépendance
et le pouvoir de l’autre comme aliénés. La prison tutélaire, condescendante et dédaigneuse
est avant tout idéologique, elle est pire que le bagne. La vivre et la subir c’est
finir par mourir comme coupable d’un crime de lèse-majesté ou on s’en échappe
comme victime d’une machination. Lorsqu’on voit le mépris avec lequel sont
qualifiés ‘’les séparatistes’’ qui peut vivre et survivre sans dignité, sans
indépendance et sans être libre ?
Ceci devient d’autant plus crucial que l’aliénation
fait perdre tout ce qui a été l’histoire des ancêtres, de leur identité, de
leur culture, de leur langue remplacées par d’autres plus prégnantes et
envoutantes au point que la résistance des plus convaincus s’étiole au fil du
temps et devient tenue, fragile et au final impuissante à faire face à une
nouvelle histoire qui s’écrit de plus en plus sans leur concours, qui leur est
imposée et qu’ils doivent assimiler et répéter comme étant la leur.
L’indépendance d’un pays, n’est pas l’affaire d’un
seul homme aussi charismatique soit-il ou d’une seule femme aussi leader ou
pionnière soit-elle, c’est l’affaire d’hommes et de femmes porteurs d’un projet
de pays, d’un projet de société, d’un projet de citoyenneté. Il importe pour la
faire d’informer, de sensibiliser et de conscientiser les citoyens par des actions
constantes et permanentes de ce qu’apportera l’indépendance à toutes et à tous.
Les grands agrégats d’un État tels que la défense
nationale, l’économie, la diplomatie, l’éducation, la santé, la jeunesse, la
solidarité ne sauraient configurer à eux seuls les contours d’un pays si au
préalable les fondements de la Nation ne sont pas pensés, conçus, considérés et
partagés fièrement et dignement par tout le peuple.
Ferid Chikhi
À suivre