Le Hirak
et le système Algérien
Quels
défis attendent l’Algérie a partir du 22 / 02 / 2020
Dans
une récente réflexion :
http://www.convergencesplurielles.com/2019/12/un-numide-en-am-erique-du-nord-253.html
j’avais souligné qu’à peine 72 heures après son élection le nouveau président a
parlé d’une révision constitutionnelle. Depuis quelques jours il est question
d'une nécessité de prendre son temps avant d’y toucher alors que l’opposition
politique soumet sa feuille de route en douze points.
Une
révision constitutionnelle au long cours
J’avais
aussi mis de l’avant que depuis, plus de 35 ans les institutions Algériennes
sont passées de la pérennité tant voulue par Boumediene à un effacement
durable. Toutes les assemblées élues sont obsolètes mais survivent encore aux
effets du Hirak. Les Municipales et les Wilayales ne sont plus que l’ombre
d’une ''force politique'' déliquescente et sans représentativité pertinente
d’une population qui s’en défient depuis au moins le 22 février 2019. Pendant
ce temps les institutions administratives ont été vidées de leurs compétences
et de leurs capacités à offrir aux personnes qui les sollicitent le service
qu’ils attendent d’elles.
La
corruption et le militaire, des irritants ?
L’élection
du 12 décembre 2019 a eu pour effet, de rebattre les cartes et de les
redistribuer en partie à une nouvelle ‘’composante’’ de dirigeants qui
devraient fouetter la remise en marche des instances gouvernementales et des
institutions parmi les plus sensibles. La vie politique, même celle des partis
de l’opposition est secouée et leurs activités sont bousculées. Sur le double
plan social et économique l’appareil d’État se met en mouvement avec beaucoup
de prudence mais il faut admettre qu’il n’est pas encore tout à fait
fonctionnel après vingt ans de stagnation.
En
fait, les Hirakistes ciblent deux maux que l’Algérien rencontre dans toutes ses
activités, le premier est celui de la corruption, des corrupteurs et des
corrompus et le second celui de la primauté du militaire sur le civil –
d’autres disent sur le politique. Malgré le rejet largement exprimé par le
peuple et quel que soit l’énoncé du premier et du second le changement majeur
exigé est celui de la lutte sans merci contre les deux avec en ligne de mire la
''primauté du civil sur le militaire’’.
Malheureusement, les gouvernants ne l’entendent pas de la même oreille.
La lutte contre la corruption : Oui ! Mais le second paradigme est complètement
mis sous silence. Ils préfèrent articuler leurs actions autour des enjeux
institutionnels (refonte de la constitution), politiques (mise en marche des
organisations ministérielles alors que la dernière rencontre du PAD au siège du
RCD ainsi que la plateforme adoptée qui souligne entre autres, la nécessité de
dissoudre les assemblées élues pour aller
de l’avant avec les changements de
fonds.), économiques ( tout ce qui a trait aux énergies et l’index est mis sur
l’exploitation du gaz de schistes malgré de moults oppositions), culturels
(rééquilibrage des théories idéologiques : amazighité, arabité, islamité dans
leurs décors régionalistes) et bien entendu le repositionnement au plan
international (par des démarches diplomatiques autour des dossiers de la Lybie,
de la Syrie, de l’Irak, de la Palestine, de l’Afrique du Nord (Maghreb) et ses
extensions vers le Sahel). Il est absolument nécessaire que les dossiers
internationaux soient régis par un nouvel encadrement pour ne pas dire une
nouvelle stratégie qui offrent des perspectives positives pour tout le pays par
un redéploiement circonstancié des atouts naturels et bien entendu des
compétences. Les équilibres de l’échiquier politique de l’Algérie ont
fondamentalement changé et ce changement majeur se poursuivra tant que les
revendications de base de la grande majorité de la population, constituée en
société civile, ne sont pas au moins entendues et accompagnées sereinement.
Mutations
ou simple évolution sémantique
L’une
des premières décisions du nouveau président a été de changer le gouvernement.
Sa feuille de route préétablie prend en charge les dossiers restés ouverts
depuis le 22 février 2019. À l’évidence, les revendications du mouvement sont
de plus en plus difficiles à modifier et la libération des détenus d’opinion
reste la plus sensible. Un minimum de transparence de la part des décideurs est
de rigueur ; ça va de soi que des arrestations soient opérées contre celles et
ceux qui tente d'user de subversion pour
porter atteinte à l'intégrité nationale mais celles réalisées par des agents ne
font pas dans le discernement posent problème dés qu'elles ciblent systématiquement
des citoyens qui encadrent le Hirak. Là le bâts blesse. Le pouvoir semble
perpétuer ses pratiques et des deux côtés la défiance gagne du terrain. Alors,
une question de fond se pose à tous : S’agira-t-il d’observer des mutations
profondes ou à une simple évolution sémantique ? Les hommes du nouveau régime
ne peuvent se défaire en un tour de main de leurs habitudes et leurs attitudes
héritées d’une ère révolue. Ils continuent, non pas d’agir mais, de gouverner
comme leurs prédécesseurs. En appliquant des méthodes de résolution de
problèmes sans états des lieux ni diagnostic approprié. Le Hirak comme tout mouvement citoyen devra
s’adapter aux nouveaux contours que met en place la gouvernance de Tebboune.
Ses meneurs, doivent prendre le risque de se mettre de l’avant pour discuter et
négocier les prémices de la nouvelle politique nationale et surtout le projet
de société que tous les Algériens attendent depuis des décennies. Les tenants
du pouvoir qu’ils soient visibles ou cachés ne vont pas défaire en un tour
de main de leurs paradigmes de gestion. C’est dire que la période de transition
a bel et bien débuté et le face à face perdurera tant que les groupes de
négociation ne sont pas encore profilés. Pour ce faire, une convention
nationale devra être organisée avec comme premier objectif les prochaines
élections locales, puisqu’il faudra tôt ou tard donner de la voix aux citoyens
de tout le pays. Les arrangements, les accords et les engagements citoyens ne
peuvent être l’apanage de tout le monde mais restent ceux de quelques ‘’
esprits libres engagés et dûment mandatés’’ avec une règle essentielle celle de
procéder à une véritable séparation des pratiques anciennes.
Un
système ne disparait pas mais se transforme - II –
Les demandes capitales formulées par les Hirakistes, par exemple, celle de voir le système remplacer
Les demandes capitales formulées par les Hirakistes, par exemple, celle de voir le système remplacer
dans son ensemble est un objectif utopique et je doute qu’il
soit atteint. Le système peut être modifié. Il peut être amélioré en bien. Il peut se
transformer mais disparaitre comme par enchantement, c’est à voir. La seconde
c’est qu’un bilan sommaire de l’apport et des effets du Hirak d'abord sur la mentalité de l'Algérien est à valider et en faire de même avec celui de la
gouvernance de l’Algérie. Cela montre que bien des cibles ont été atteintes en onze
mois de marches et de manifestations tranquilles avec une détermination militante sans pareil
: Destitution d’un président malade ; arrestation de deux premiers
ministres et de ministres influents ;
détention de généraux et autres officiers supérieurs ainsi que de commis de
l’État voyous ; éviction de corrupteurs
considérés comme indéboulonnables ; élimination du champs professionnel
d’affairistes corrompus… Tous ont franchi sans gêne la ligne rouge que leur
imposaient leurs fonctions. Ils étaient tous formatés pour la pérennité d’un
système qui comptent bien des dysfonctionnements. Tous ont fait les frais d’un
manque flagrant de respect des règles élémentaires de l’éthique, de
l’intégrité, de l’honnêteté et de l’engagement envers la nation … Bien du monde
est tombé à la demande du Hirak. À
présent, les hommes nouveaux et les femmes nouvelles qui sont choisi-e-s pour
gouverner le pays, que nous le voulions ou non étaient proches du régime
précèdent. Ils seront mis à l’épreuve du temps. Ne perdureront que ceux et
celles qui se plieront aux règles des vrais gouvernants.
Ferid Chikhi